Accompagner la transition juste grâce au Droit Social À Vocation Environnementale (D.SAVE)

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Le XXIe siècle sera écologique, ou ne sera plus. Afin de ne pas juste mettre en œuvre une transition écologique, mais d’œuvrer pour une transition juste, le droit social à vocation environnementale (D.SAVE) offre un nouveau vecteur de durabilité aux entreprises par l’intégration d’une finalité environnementale dans le droit social ; les normes ne sont plus mobilisées dans le seul but de réguler les relations entre les différents acteurs du monde du travail, mais également afin de protéger l’environnement. Explications par Arnaud Casado, Maître de conférences à l'Université de Paris Panthéon-Sorbonne.

Dans le résumé à l'intention des décideurs politiques du Rapport de synthèse du sixième rapport d'évaluation du GIEC, les experts internationaux soulignent que « donner la priorité à l’équité, à la justice climatique, à la justice sociale, à l’inclusion et à des processus de transition justes peut permettre l’adaptation, des mesures d’atténuation ambitieuses et un développement résilient au climat » (C5). Face au défi climatique, il ne suffit donc pas de faire juste une transition, il est nécessaire de faire une transition juste.

Pour ce faire, le droit social offre un levier intéressant en ce qu’il permet de dépasser les principaux obstacles à la construction d’une solution juridique efficiente et collectivement acceptable pour soutenir une transition juste. Immédiatement mobilisables, les normes du droit du travail trouvent en effet à s’appliquer au sein de la première source d’émission de gaz à effet de serre : les entreprises.

Le Droit Social À Vocation Environnementale (D.SAVE), propose une utilisation finaliste du droit social par l’intégration de considérations environnementales dans les normes travaillistes. Ces dernières ne sont alors plus mobilisées dans le seul but de réguler les relations entre les différents acteurs du monde du travail, mais également afin de protéger l’environnement. Néanmoins, le D.SAVE ne saurait se réduire à cette seule ambition. Afin que la transition soit l’affaire de tous, outre la réduction de l’empreinte environnementale de l’entreprise, le droit social à vocation environnementale permet soit d’augmenter les rémunérations des salariés sans obérer les finances de la société, soit d’améliorer la qualité de vie et les conditions de travail. Les propositions visent également à ne pas peser sur la trésorerie des sociétés, voire à leur permettre de mobiliser des leviers sociaux et fiscaux. Autrement dit, dans une logique de conciliation des intérêts antagonistes, le D.SAVE aspire à parvenir à des équilibres gagnant-gagnant-gagnant : gagnant pour la planète, gagnant pour les travailleurs, gagnant pour les entreprises.

Dès lors, cette nouvelle approche du droit social ne se limite pas à l’environnementalisation expresse du code du travail comme prévu par la loi Climat et résilience, même si elle ne la dédaigne pas. Elle propose, au contraire, aux parties prenantes dans l’entreprise de réfléchir à leurs pratiques afin de maximiser l’effet écologique de leurs actions. Aussi, outre une réflexion sur de nouveaux outils, le D.SAVE invite par ailleurs à ajouter une finalité environnementale aux actions menées par et dans l’entreprise.

À titre d’exemple, les comités social et économique (CSE) peuvent rediriger les sommes consacrées aux activités sociales et culturelles (ASC) vers des ASC vertes ou verdissantes. Estimées entre 11 et 15 milliards d’euros, ces sommes pourraient ainsi concourir à la transition tout en améliorant les conditions de vie des salariés. Ainsi en est-il du CSE qui déciderait de modifier la gestion de la cantine afin que son approvisionnement se fasse en circuit court, auprès de producteurs locaux, en agriculture raisonnée ou bio. De même, en serait-il, de l’introduction d’un critère environnemental dans la politique de voyage du comité. Selon plusieurs enquêtes, ce verdissement des ASC est plébiscité par les salariés.

Le D.SAVE invite également à une réflexion sur les négociations menées en entreprise. En effet, ces dernières peuvent aisément intégrer une composante environnementale. Ainsi en est-il des négociations sur les mobilités durables ou sur le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise : les accords d’intéressements peuvent reposer sur des critères RSE propre à diminuer l’empreinte écologique de l’entreprise. À l’heure de la sobriété, la baisse de la consommation d’énergie peut être valorisée. De même, la négociation de la Base de données économique, sociale et environnementale (BDESE) est une occasion de se pencher sur les postes d’émission de gaz à effet de serre, les primes peuvent être corrélées à la réussite d’objectifs environnementaux, etc.

Le D.SAVE exhorte aussi à anticiper les transformations de l’emploi pour une économie bas-carbone. En effet, la transition écologique va profondément bouleverser certains secteurs économiques. Partant, il est impératif, non seulement de procéder à un verdissement des métiers, mais encore d’accompagner la transition professionnelle des salariés dans les secteurs polluant afin de parvenir à une économie nette zéro. Le D.SAVE propose des outils pour planifier le travail de demain et gérer la réorientation économique.

Enfin, le D.SAVE accompagne la mutation du droit des sociétés vers une société des devoirs de l’entreprise en expliquant les leviers et ressources qu’il est possible de mobiliser au titre de la RSE pour des organisations plus durable. L’ouvrage « le droit social à vocation environnementale : vecteur de durabilité de l’entreprise », paru aux éditions LexisNexis en mars 2024, se veut une boite à outil pour tous ceux qui souhaitent agir dès aujourd’hui pour demain.

Arnaud Casado, Maître de conférences à l'Université de Paris Panthéon-Sorbonne