Le groupe Altares a dévoilé les chiffres des défaillances d’entreprises en France pour le 1er trimestre 2022. Avec 9972 procédures collectives ouvertes depuis le début de l’année, le niveau des défaillances augmente de près de 35 % par rapport au 1er trimestre 2021. Après être tombées à des seuils historiquement bas ces deux dernières années, les défaillances renouent progressivement avec les niveaux d’avant crise.
Amorcée dès novembre 2021, la hausse des ouvertures de procédures s’accélère chaque mois. Tous les secteurs sont touchés, mais les activités en lien avec les consommateurs – restauration, commerce, service à la personne, etc. sont les plus fragilisées. En région, l’Ile-de-France et la Corse résistent le mieux.
Thierry Millon, directeur des études Altares : « En 2020 et 2021, moins de 61 000 procédures collectives ont été ouvertes contre 107 000 lors des deux années précédentes. Plus de 46 000 entreprises ont été sauvées de la défaillance durant la longue période Covid. Sans le fameux « quoi qu’il en coûte » gouvernemental, la crise sanitaire aurait pu provoquer bien plus de procédures. Au 1er trimestre 2022, l’étau de la crise sanitaire se desserre et les aides s’arrêtent. Un retour à une forme de normalité qui implique aussi une reprise des défaillances. La hausse s’amorce donc et elle est déjà très nette dans les secteurs qui comptent sur la reprise des habitudes de consommation comme aller au restaurant ou chez le coiffeur. Aucun territoire n’est épargné par le phénomène. »
En hausse de 34,6 % sur un an, le nombre de défaillances d’entreprises se rapproche des niveaux de début 2020
9 972 entreprises sont tombées en défaillance entre le 1er janvier et le 31 mars 2022, soit une hausse de 34,6 % par rapport à la même période de 2021. Ces niveaux, proches du 1er trimestre 2020 (10 902), restent encore nettement inférieurs à ceux de 2019 ou de 2018 qui avoisinaient les 14 000 défauts.
Avec 220 jugements enregistrés ce trimestre, le nombre de procédures de sauvegarde augmente de 29,4 %. Ce dispositif représente seulement 2,2 % de l’ensemble des procédures.
Les procédures de redressement judiciaire (RJ) sont en hausse rapide de 46,6 % pour 2188 jugements prononcés. Elles représentent moins d’un jugement sur quatre (22 %), un taux très en-dessous des 30 % relevés en 2018.
Les jugements de liquidation judiciaire (LJ) augmentent également fortement (+31,7 % ; 7 564 liquidations).
Les jeunes entreprises sont les plus durement fragilisées
Près de la moitié (48 %) des entreprises entrées en défaillance au 1er trimestre ont été créées il y a moins de 5 ans. Plus sévère encore, les défaillances chez les entreprises fondées pendant ou juste avant la crise ont flambé de 52 %. 1927 procédures concernent des structures de moins de 3 ans. 83,8 % sont immédiatement placées en liquidation judiciaire.
A noter qu’il s’agit à plus de 90 % de sociétés commerciales (et non de micro entreprises). Les difficultés des jeunes entreprises sont particulièrement marquées dans les activités « magasins multi-rayons » (essentiellement des commerces d'alimentation générale) où les défauts sont trois fois plus nombreux ce trimestre ; mais aussi dans la restauration (+180 %), où le nombre de procédures était exceptionnellement bas il y a un an.
En hausse de 56 % sur un an, le nombre de procédures chez les petites PME dépasse le niveau d’avant crise
94 % des entreprises en cessation de paiement sont des TPE, une part relativement constante. On observe en revanche des tensions plus remarquables chez les PME. En particulier pour les « petites » PME de 10-49 salariés où les défaillances s’envolent de 56 % sur an (645), dépassant le niveau d’avant crise (632). Ces structures se concentrent dans les secteurs de la construction, le commerce et l’industrie. Les PME d’au moins 50 salariés résistent davantage avec des taux de défaillance quasi stables.
Les défaillances en hausse dans les deux tiers des secteurs, dépassant parfois les niveaux de 2020
Thierry Millon conclut : « En ce début d’année 2022, la confiance en l’avenir gagnait du terrain : les niveaux de trésorerie, les carnets de commande bien remplis laissaient présager une reprise de l’économie. Toutefois, depuis le 24 février et le début de l’invasion russe en Ukraine, l’horizon s’assombrit : la flambée des prix de l’énergie, les difficultés d’approvisionnement, les pénuries de matériaux, l’inflation qui s’emballe… autant de signaux qui incitent à la prudence. A l’instar du « quoi qu’il en coûte » gouvernemental déployé pendant la crise sanitaire, le nouveau Plan Résilience de 7 milliards d’euros devrait contribuer à empêcher la faillite des entreprises directement impactées par la guerre et celles plus durement touchées par l’envolée des prix de l’énergie. Ce nouveau paquet de mesures (activité partielle, PGE, etc.) doit soulager les trésoreries, mais le gouvernement exhorte les entreprises à tout faire pour continuer à payer leurs factures dans les temps. En effet, si les délais de paiement interentreprises ont été bien maîtrisés jusqu’à présent, les turbulences de ce début d’année pourraient changer la donne. Les directions financières pourraient être tentées de temporiser de plus en plus sur le règlement des factures pour conserver leur trésorerie. Dans ces conditions, la trajectoire à la hausse des défaillances d’entreprises devrait se poursuivre mais sans laisser présager à ce stade, une déferlante de faillites, les entreprises disposant encore de liquidités. »