L'Ordre des barreaux francophones et germanophone (OBFG) a envoyé un questionnaire aux avocats belges sur les répercussions de la crise liée à l'épidémie de Covid-19 sur leur activité. 2676 avocats y ont répondu.
Les auteurs de l'enquête observent une quasi parité entre hommes et femmes. 65% des répondants ont en outre des enfants, dont la moitié sont autonomes. On peut cependant regretter le nombre limité de stagiaires ayant répondu face aux 88% d’avocats inscrits, essentiellement actifs au sein de petits cabinets ou de cabinets unipersonnels, et exerçant majoritairement en personne physique.
Ceci traduit un besoin fort des petites structures de faire valoir leurs difficultés en cette période particulière et nébuleuse. Les résultats de l’enquête confirment cette idée et sont certes peu réjouissants à première lecture.
Un « scoring » de l’enquête confirme que l’activité des avocats est, pour 70% d’entre eux, partiellement arrêtée, en grande partie de plus de 50%, contre 20% d’avocats maintenant une activité normale (261 confrères ne semblent pas du tout touchés). Ainsi, 10% des répondants ont totalement arrêté leur activité.
Des aides sont donc demandées (ou en voie de l’être) par de très nombreux avocats (près de 1.512 interrogés mais 1.164 confrères n’ont pas répondu à la question relative aux demandes d’aide). C’est le droit passerelle qui sort grand « vainqueur » de ces demandes d’aide (70%). Suivi par les demandes de postposer les paiements de la TVA et des cotisations sociales (30%).
Les questions ouvertes ont permis de recueillir le mécontentement de certains répondants quant à ce droit passerelle et à son caractère inadapté à la profession (notamment quant à la difficulté de justifier 7 jours d’arrêt de travail). Beaucoup se sont plaints du manque d’aides fédérales ou régionales, voire ordinales.
De nombreuses plaintes sont également formulées quant au manque de clarté et de cohérence dans l’organisation des audiences.
Aussi, près d’un quart des répondants profite des offres gratuites obtenues auprès des éditeurs juridiques.
Plus d’un tiers des avocats ayant répondu au questionnaire font appel à du personnel salarié ou des collaborateurs, mais la moitié (voire plus en ce qui concerne les collaborations) a dû prendre des mesures à leur égard. Le chômage économique reste la solution la plus utilisée pour les salariés, tandis que les collaborateurs sont bien moins sollicités.
On peut déplorer plusieurs licenciements ou des fins de collaboration que l’on espère temporaires, même si près de 20% de répondants envisage encore de se séparer à l’avenir de salariés ou collaborateurs pour maintenir leur cabinet à flots.
Les plus touchés, soit 33% des répondants, sont en réflexion pour réorganiser leur avenir professionnel. La moitié d’entre eux vont ainsi s’orienter vers le privé ou le public.
Certains voient cette période de manière plus positive encore. Ils disent en profiter pour se ressourcer, réfléchir à notre société, exercer d’autres activités, rattraper le retard accumulé, étudier les langues, chercher la clientèle en diversifiant notamment les services offerts, améliorer leur communication, suivre des formations ou des spécialisations. même si, près de 80% de nos confrères ne désirent pas se réorganiser malgré plus de « temps libre » imposé.
Quant au temps libre justement, un très grand nombre confie ne pouvoir gérer le travail, les audiences, les délais et ce en présence d’enfants en bas âge. Si le télétravail est entré dans les mœurs et pratiqué par 88% de collaborateurs ou 67% de salariés, la réalité est plus tempérée : les tâches ménagères, la garde et le suivi scolaire des enfants, mettent à mal le temps parfois récupéré.
Beaucoup des répondants restent très critiques à l’égard de la procédure écrite, tout en étant malgré tout inquiets des mesures sanitaires à mettre en place dans les salles d’audience. Mais beaucoup sont impatients de retourner travailler et plaider.
Au-delà des résultats « bruts » de l’enquête, il est utile de procéder à des corrélations entre ceux-ci pour en tirer des enseignements transversaux. Ainsi nous apprenons que :
- Les femmes semblent plus touchées par la crise et notamment lorsque l’activité est partiellement arrêtée. Elles seraient d’ailleurs bien plus enclines à quitter la profession pour un emploi salarié ou public.
- La présence d’enfants devant être gardés influe clairement sur une réduction de l’activité.
- Les confrères entre 30 et 40 ans semblent plus disposés à quitter la profession. Ils sont aussi plus touchés par une réduction de travail.
- Les confrères rassemblant une clientèle de particuliers ou d’aide juridique sont bien plus touchés que ceux travaillant pour des entreprises ou disposant de mandats judiciaires.
- Les petites structures sont plus fortement touchées, tant au niveau général de leur activité que de la proportion mesurée de leur réduction d’activité.
- Ces petites structures sont les plus prêtes à revoir leur avenir professionnel, et en leur sein, les associés plutôt que les collaborateurs. Les structures à la clientèle de particuliers de même.