68 mesures pour réduire l’insécurité juridique et soutenir la croissance française

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clubdesjuristes-rapport-2015Le Club des juristes propose 68 mesures pour réduire l’insécurité juridique et soutenir la croissance française, dans son nouveau rapport "Sécurité juridique et initiative économique".

Le Club des juristes a publié son rapport, "Sécurité juridique et initiative économique". Rédigé par un groupe de travail présidé par Henri de Castries, PDG d’Axa, et Nicolas Molfessis, Professeur à l’Université Panthéon-Assas, ce rapport est le fruit de 18 mois d’échanges entre des acteurs du monde juridique (professeurs, avocats et magistrats) et des dirigeants d’entreprise. Organisé en 4 grandes parties consacrées à la législation, la Cour de cassation, le droit fiscal et le droit du travail, le rapport, qui dénonce les archaïsmes et les dysfonctionnements du système juridique français, propose 68 mesures pour renouer avec la sécurité juridique, condition nécessaire de la reprise économique de la France.
"Dans le contexte politique actuel, nous avons bon espoir que nos propositions soient entendues. La compétitivité de la France et la croissance économique n’ont jamais autant été au cœur des préoccupations des acteurs économiques et des institutions. Les nouvelles mesures de simplification annoncées récemment par Thierry Mandon, le projet de loi d’Emmanuel Macron ou encore les réflexions que mène la Cour de cassation vont dans le sens de nos préconisations", explique Nicolas Molfessis, Secrétaire général du Club des juristes.

Elaboration et application de la loi : reconstruire un système vertueux

En près de vingt ans, le nombre de modifications introduites chaque année dans les lois existantes a été multiplié par cinq et le nombre d’articles moyen par loi a presque doublé. Dans ces conditions, il est devenu quasiment impossible pour les citoyens, et même pour les professionnels du droit, de lire et de comprendre les textes en vigueur. L’amélioration de la qualité de la loi est donc devenue une nécessité. Pour revenir à une méthode d’élaboration des textes plus vertueuse, le rapport propose des pistes d’action parmi lesquelles :

  • mettre fin aux retouches ponctuelles et répétitives des textes pour privilégier des réformes globales,
  • mieux évaluer les lois en étendant le champ d’application des études d’impact et en autorisant le recours à des expertises extérieures (ex : CESE, INSEE, think-tank indépendants, etc.),
  • rationaliser l’usage abusif du droit d’amendement gouvernemental,
  • faciliter l’accès au Journal Officiel et permettre au Conseil d’Etat d’émettre un avis sur la qualité rédactionnelle des textes.

Cour de cassation : restituer son rôle de cour suprême de l’ordre judiciaire

Faisant le constat que la Cour de cassation ne parvient pas à infléchir le nombre de recours dont elle est saisie et le nombre de décisions qu’elle rend chaque année (au nombre moyen de 30 000 contre 737 pour son homologue allemand), le rapport propose des pistes de réforme pour qu’elle assure son rôle de Cour suprême de l’ordre judiciaire. Elle n’est plus aujourd’hui pleinement en mesure de réguler le droit privé, par l’adoption de solutions claires et sécurisantes. Son organisation, ses mécanismes internes, ses méthodes, tout concourt à en faire un centre de production de décisions dont le nombre, trop important, ne permet ni le contrôle ni l’autorité et dont la forme, trop elliptique, n’assure ni la clarté ni l’intelligibilité. Elle doit aussi et surtout pouvoir trouver sa place face à la Cour européenne des droits de l’homme et au Conseil constitutionnel.
Le rapport préconise donc une redéfinition et une meilleure identification de ses missions : elle doit à présent procéder à un contrôle de proportionnalité dans la protection des droits et libertés fondamentaux, comme le fait la CEDH, ; elle doit filtrer bien davantage les pourvois pour se consacrer aux questions de droit nouvelles ou soulevant une difficulté sérieuse ; enfin, si elle doit conserver le contentieux disciplinaire, qui sanctionne les cas où les juges du fond ont formellement mal jugé, elle doit veiller à traiter spécifiquement ces décisions qui sont dépourvues de portée doctrinale. Cette évolution doit s’accompagner d’un allègement de la procédure de non admission des pourvois, qui doit procéder d’une simple ordonnance du président de chambre. Pour éviter les mauvaises interprétations des arrêts et les controverses d’interprétation, le rapport suggère enfin de systématiser le recours aux communiqués de presse pour les arrêts à portée normative.

Droit fiscal et droit social : simplifier deux domaines emblématiques des maux du droit

Pour la seule année 2013, 1.105 articles du Code général des Impôts ont été modifiés. Le droit fiscal est l’un des domaines juridiques les plus mouvants. Cette instabilité ruine les calculs et les anticipations des acteurs économiques en particulier des entreprises et des investisseurs. Pour restaurer la confiance et donc l’initiative économique, le rapport préconise notamment de :

  • concentrer les règles fiscales au sein des lois de finance,
  • systématiser la concertation publique lors de l’élaboration des textes fiscaux pour favoriser le consentement à l’impôt,
  • lutter contre la rétroactivité fiscale.

Le rapport critique également le comportement dilatoire de l’administration (inertie, absence de recours, etc) et propose de sanctionner cette dernière en cas d’absence de réponse.

A l’instabilité des règles fiscales française, s’ajoute la complexité et l’inefficacité du droit du travail, plus particulièrement celle de la justice prud’homale qui est incontestablement en crise. La durée d’une procédure devant les Conseils des prud’hommes s’établit en moyenne à plus de 15 mois. Ni le salarié, ni l’employeur n’en ressortent gagnants. Pour réformer la justice prud’homale, le rapport formule plusieurs propositions parmi lesquelles :

  • supprimer la phase de conciliation obligatoire qui est chronophage et dont l’efficacité est remise en question par les statistiques,
  • prévoir l’échevinage systématique dans les Conseils de prud’hommes en faisant présider la formation de jugement par un juge du tribunal d’instance,
  • élaborer un référentiel indicatif national, statistique et évolutif qui serve à la fixation des diverses indemnités en cas de rupture du contrat de travail.