Trafic de stupéfiants : vidéosurveillance des parties communes d’un immeuble

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La Cour de cassation précise les conditions d'utilisation par les policiers du dispositif de vidéosurveillance installé par le propriétaire dans les parties communes de son immeuble pour les besoins de la lutte contre le trafic de stupéfiants.

La police judiciaire, informée de ce que des transactions de stupéfiants avaient lieu dans le parking d'un immeuble géré par un bailleur social, a requis ce dernier, sur autorisation du procureur de la République, afin d'accéder aux parties communes.
Le bailleur les a autorisés, pour une durée d'un an, à accéder aux images enregistrées dans son installation de vidéosurveillance.
L'exploitation de ces images a confirmé la mise en cause de quatre personnes, dont M. P., qui, après ouverture d'une information judiciaire, ont été mises en examen.
M. P. a sollicité l'annulation de pièces de la procédure.

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a écarté le moyen de nullité.
Elle a énoncé que la communication aux enquêteurs, et l'exploitation par ces derniers, des enregistrements des caméras de surveillance installées par le propriétaire ou le gestionnaire d'un ensemble d'habitations, dans les parties communes de l'immeuble concerné, n'est pas assimilable à un procédé de captation d'images relevant de l'article 706-96 du code de procédure pénale.
Elle ajouté que le système de vidéosurveillance était en place et fonctionnait préalablement aux réquisitions délivrées par les enquêteurs au propriétaire, en vertu de l'autorisation générale qui leur avait été délivrée à cette fin par le procureur de la République.
Elle a retenu que le fait que les enquêteurs aient inscrit dans le temps et pour les mois à venir leur demande de mise à disposition des enregistrements de vidéosurveillance n'est pas plus critiquable puisque, d'une part, cette installation technique était permanente, antérieure aux réquisitions des enquêteurs et était faite pour fonctionner au-delà de ces réquisitions et sans lien avec celles-ci, d'autre part, les enregistrements étaient de toute façon conservés par le propriétaire et à sa seule initiative.
Elle a précisé que, eu égard à la gravité des infractions poursuivies, caractérisée par l'ampleur et la durée du trafic, la nature des produits concernés, et l'existence d'une organisation structurée avec de nombreux protagonistes dont certains déjà condamnés à de multiples reprises, l'exploitation des vidéosurveillances critiquées, qui ne portent que sur sept jours en 2020 et vingt-sept jours en 2021, dont seulement dix-sept concernent M. P., constitue une atteinte à sa vie privée non seulement justifiée pour permettre la manifestation de la vérité, mais aussi proportionnée à un trafic de stupéfiants de cette ampleur.

Dans un arrêt du 8 novembre 2023 (pourvoi n° 23-81.636), la Cour de cassation valide le raisonnement des juges du fond et rejette le pourvoi de M. P.
En premier lieu, la technique d'enquête prévue à l'article 706-96 du code de procédure pénale suppose la mise en place, par les enquêteurs, d'un dispositif technique installé à l'insu des personnes surveillées, de sorte que le dispositif de vidéosurveillance installé par le propriétaire dans les parties communes de son immeuble échappe aux prévisions de ce texte.
En deuxième lieu, l'article 77-1-1 du même code n'interdit pas à l'officier de police judiciaire de requérir un propriétaire en vue d'obtenir des images, issues de ce dispositif, qui n'ont pas encore été enregistrées.
En troisième lieu, il résulte des motifs de la chambre de l'instruction que l'atteinte ainsi portée à la vie privée des personnes concernées était prévue par l'article 77-1-1, justifiée par la recherche des infractions pénales, et proportionnée à la gravité de celles-ci.

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