Secret des affaires : quelle effectivité ?

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Retour sur l'atelier portant sur le secret des affaires qui s'est tenu lors des Débats du Cercle 2023, organisés par le Cercle Montesquieu et le Monde du Droit.

Lors de la 11ème édition des Débats du Cercle, qui s'est déroulée le jeudi 13 avril 2023, étaient réunis pour un atelier autour du secret des affaires :
- Sabine MARCELLIN, Avocate et chargée de cours - HEC / Université Paris 2 ;
- Céline LEROY, Partner - Eight Advisory ;
- Vanessa MICHOUD, Group general Councel - Sequens ;
- Yann UTZSCHNEIDER, Associé - White & Case.

Il y a eu de nombreuses tentatives de légiférer sur le secret des affaires en France, mais toujours des échecs. Il a fallu attendre la directive (UE) 2016/943 du 8 juin 2016, transposée en droit français par la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018, pour avoir un cadre législatif du secret des affaires.

Ainsi, peut être protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :
- qu'elle soit confidentielle ;
- qu'elle est une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
- qu'elle fasse l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables pour en conserver le caractère secret.

Il faut également savoir que toute donnée de moins de 5 ans au moment où il est statué sur la demande est couverte par le secret des affaires. A l'inverse, toute donnée de plus de 5 ans n'est plus couverte par le secret des affaires.

Des risques lors des ventes et acquisitions d'entreprise

Lorsqu'on envisage d'acquérir une entreprise, on a besoin de connaître des informations essentielles concernant cette entreprise, couvertes par le secret des affaires, qui constitueront des connaissances stratégiques pour l'acheteur afin qu'il sache s'il va finaliser l'achat ou non.

Le vendeur, quant à lui, prend un risque en dévoilant ces informations au potentiel acquéreur car celui-ci peut se rétracter.

Le potentiel acquéreur d'une entreprise doit penser à protéger ses propres savoirs et savoir-faire pour ne pas être accusé d'avoir copié ceux du vendeur dont il aurait récupéré les informations confidentielles via le projet de rachat. Cela implique d'avoir mis en place une traçabilité de toutes les informations couvertes par le secret des affaires au sein de sa propre entreprise.

Avoir conscience de l'importance des informations sensibles

La prise de conscience de l'importance de protéger les données d'une entreprise résulte de la régulation de différents secteurs dans lesquels les informations sont hypersensibles : secret professionnel, secret médical, données personnelles, cybersécurité.

Une entreprise ne peut protéger des informations sensibles que si elle a conscience de l'importance du secret concernant ces informations et que celles-ci doivent être protégées. Elle doit alors identifier les informations sensibles, les classifier, puis les sécuriser.

Protection en amont, preuves et référé

Protéger au mieux les données sensibles nécessite de mettre en place des process, qui couvrent aussi bien le risque du turn-over dans l'entreprise (protéger les informations des clients vis-à-vis de l'accès à ces informations par les employés via un contrat de confidentialité) que la traçabilité de l'information, à la fois d'un point de vue technique (blockchain, infrastructures informatiques…) et d'un point de vue humain (formation des salariés pour une prise conscience sur le niveau de sensibilité des informations).

Il faut noter qu'un savoir-faire évolue, il se développe dans le temps, avec différentes phases et différents niveaux. Il faut pouvoir démontrer la titularité et l'antériorité de ce savoir-faire.
Pour cela, la blockchain est idéale car elle permet de prouver l'antériorité d'un document avec un historique du processus, ce qui lui donne une valeur probatoire en France et dans de nombreux pays. En outre, elle peut être intégrée au système de digitalisation.

Pour prévenir une atteinte imminente ou faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires, le juge peut, sur requête ou en référé, interdire la divulgation des informations sensibles et/ou ordonner des mesures provisoires et conservatoires. Cela nécessite évidemment d'avoir bien documenté, en amont, l'évolution de son savoir-faire.
Et surtout, il ne faut pas oublier de saisir le juge du fond dans les 20 jours ouvrés pour faire entériner la décision du juge des référés.

La sanction encourue pour une violation du secret des affaires est le versement d'indemnités, dont la valeur sera évaluée selon le dommage subi et en prenant en compte les bénéfices de celui qui aura violé le secret.

Stéphanie Baert