Professions libérales règlementées : unification, clarifications et modifications apportées par l’ordonnance du 8 février 2023

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L’ordonnance n°2023-77 du 8 février 2023 a unifié et simplifié le régime juridique de l’exercice en société des professions libérales règlementées. Elle a également modifié les dispositions applicables aux holdings constituées sous forme de sociétés de participations financières des professions libérales (« SPFPL »).

En 2022, la France comptait 700 000 professionnels libéraux règlementés. Faisant le constat d’un foisonnement de textes (notamment lois du 31 décembre 1990 et du 29 novembre 1966 avec une multitude de renvois) rendant ainsi difficile l’accès et la connaissance, par les professionnels, du régime juridique leur étant applicable, le gouvernement a, par une ordonnance du 8 février 2023 publiée au JO le 9 février 2023, uniformisé, clarifié et simplifié le régime juridique des professions libérales. Il impose également une plus grande transparence à l’égard des ordres et modifie les dispositions applicables aux SPFPL. Ce texte entrera en vigueur le 1er septembre 2024 et des décrets d’application viendront, le cas échéant, le compléter. Revenons ainsi brièvement, sans exhaustivité, sur ses principaux apports.

L’article 2 a introduit le concept de 3 grandes « familles » de professions : la santé, le juridique/judiciaire et le cadre de vie (experts-comptables, géomètres-experts, etc.). Si elles demeurent soumises à leurs propres règles et si une telle typologie transparaissait déjà au sein de la loi de 1990, l’ordonnance regroupe désormais au sein de ces « familles » l’ensemble des textes transversaux applicables auxdites professions. Le contrôle déontologique des ordres est clairement affirmé. Toutefois, le caractère novateur du texte est à nuancer puisque l’un de ses objectifs est la clarification de notions déjà existantes. Ainsi tandis que la loi de 1990 se référait simplement à des professions « dont le titre est protégé », l’article 1 affine davantage la définition des professions libérales règlementées comme celles s’exerçant « dans l’intérêt du client, du patient et du public » comme pour mieux refléter l’appartenance aux « familles » visées ci-dessus. En outre, afin de faciliter la lecture globale du texte, l’article 2 définit le professionnel exerçant comme la « personne physique ayant qualité pour exercer sa profession (…) » et qui réalise de façon « indépendante des actes relevant de sa profession ». L’article 3 définit également la « personne européenne », notion introduite par la loi du 6 août 2015 dans le contexte des règles de détentions du capital prévues pour les sociétés d’exercice libéral (les « SEL »).  

S’agissant des SEL, l’une des innovations (article 57 alinéa 1) est de permettre aux associés de prévoir conventionnellement dans les statuts les modalités de leur retrait de la structure. La pratique du droit de vote double dans les SEL a également été assouplie, sauf pour les SEL de santé.  

Le texte renforce également, pour les SEL et les SPFPL, le contrôle effectué par leurs ordres puisqu’elles seront désormais obligées de leur transmettre annuellement, en complément de la composition du capital social, un état des droits de vote, leurs statuts et les éventuelles modifications des règles régissant l’organisation et le pouvoir (fixées, par exemple, dans des pactes d’associés). Les SEL auront jusqu’au 31 août 2025 pour se conformer à l’ordonnance.

En outre, l’un des aspects significatifs du texte est la modification du régime des SPFPL, favorisant ainsi le développement économique des entreprises libérales. De manière générale, leur périmètre est élargi. Elles pourront ainsi détenir et gérer des biens immobiliers ainsi que des parts sociales ou actions de toutes sociétés civiles ou commerciales ayant pour objet l’acquisition et l’administration d’immeubles, sous réserve que ces activités soient exclusivement destinées au fonctionnement des sociétés qu’elles détiennent. Par ailleurs et sous réserve de décrets le prévoyant, les SPFPL de professionnels juridiques et judiciaires pourront détenir des participations dans toutes sociétés de forme commerciale, sous réserve que l'objet de ces dernières soit la réalisation d’une activité que les associés de la SPFPL sont autorisés à exercer en vertu des règles leur étant applicables.

S’agissant des aspects capitalistiques, l’ordonnance confirme également que plus de la moitié du capital et des droits de vote d’une SPFPL doit être détenue par des personnes, y compris des personnes européennes, exerçant l’une des professions exercées par la ou les sociétés faisant l’objet d’une prise de participation. Le texte prévoit toutefois un assouplissement en faveur des SPFPL juridiques/judiciaires mono-professionnelles. Plus de la moitié de leur capital et des droits de vote pourra désormais être détenue par une personne exerçant l’une quelconque des professions juridiques ou judiciaires.

Clément Mogavero, Avocat Counsel, et Valentine Fayette, Elève-Avocate, Cabinet Ratheaux