Rapport de la mission justice économique : des propositions pour prévenir les difficultés des entreprises

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Georges Richelme, ancien président de la conférence générale des juges consulaires de France, a remis son rapport sur la justice économique le 19 février 2021 à Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Industrie et Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, chargé des Petites et Moyennes Entreprises.

A l'issue des 80 auditions qu’ils ont menées, les membres de la mission font le constat que les petites entreprises, les commerçants, les artisans, les indépendants, les agriculteurs, les associations, n’ont généralement pas recours aux procédures amiables qui pourraient les protéger lorsque leur situation se dégrade. Ils ne bénéficient donc pas dans leur grande majorité de la protection qu’elles apportent et de l’accompagnement qui leur permettrait de redresser leur situation.

Les auteurs du rapport ont essayé de comprendre comment les dispositifs de détection, de prévention et d’accompagnement et principalement ceux mis en œuvre par les juridictions sont perçus par ceux auxquels ils sont supposés s’adresser. Ils ont identifié plusieurs freins : le défaut de compréhension de la situation réelle de l’entreprise, le déni de la situation lié à la crainte de l’échec et de ses conséquences éventuelles, la difficulté à trouver les dispositifs d'aides adaptés, le coût des mesures (réel ou supposé) et a difficulté à aller vers le tribunal (dans le cas des dispositifs judiciaires de prévention) qui est aussi le lieu de la procédure collective.

Détecter les difficultés

Selon eux, trois éléments sont apparus déterminants pour que les dispositifs de prévention soient utilisés : « le dirigeant doit comprendre sa situation économique et financière, l’admettre et accepter de la traiter ». « Pour comprendre la situation dans laquelle se trouve leur activité, ces "petits entrepreneurs" ont généralement un interlocuteur, l'expert-comptable. Mais, nombre d'entre eux n'en ont pas ou plus et n'adhèrent pas, non plus, à un centre ou une association de gestion agréé ». D'autres interlocuteurs comme le commissaire aux comptes, les créanciers institutionnels ou les partenaires bancaires peuvent participer à cette prise de conscience.  La mission s’est particulièrement intéressée aux dispositifs de détection, qu’ils soient spontanés ou provoqués. La mission a porté un intérêt tout particulier au dispositif de détection des difficultés des entreprises mis en place en commun par certaines administrations sous le nom de « Signaux Faibles ». Cet outil de détection et d’accompagnement utilise l’intelligence artificielle au service de l’action publique déconcentrée à destination des entreprises fragilisées. Il s’agit d’un modèle élaboré pour prédire les défaillances d’entreprises à moyen terme.

Accompagner les entreprises

En ce qui concerne l'accompagnement des entreprises, il doit répondre à plusieurs critères :
- être accessible le plus en amont possible des difficultés pour favoriser la détection des signaux d’alerte ;
- permettre au chef d’entreprise d’obtenir le soutien de personnes d’expérience ;
- permettre au chef d’entreprise de faire le choix de ses décisions en connaissance de cause ;
- offrir un accompagnement stable, sur des périodes compatibles avec le temps nécessaire à la résolution des difficultés.

Pour répondre à ces enjeux, la mission recommande de favoriser le recours à des personnes qualifiées, en s’inspirant des pratiques mises en place par certaines régions, en facilitant l’assistance par des associations et en développant les expériences existantes de prévention de situations de détresse psychologique comme par exemple le dispositif APESA. Ce dispositif permet de former les professionnels (greffiers, juges, mandataires…) à réagir face à la souffrance morale des chefs d'entreprise et de proposer un suivi psychologique gratuit aux personnes vulnérables.

Développement des procédures de prévention au sein des tribunaux judiciaires

Enfin, la mission propose de renforcer l’offre de prévention judiciaire pour les agriculteurs, les associations et les professions libérales, ce qui implique de développer ces dispositifs au sein des tribunaux judiciaires en favorisant la mise en place de juges spécialisés au sein de ces juridictions. Une répartition du contentieux des procédures collectives auprès d’un nombre plus restreint de tribunaux serait un facteur d’efficacité notamment pour les petites juridictions, font remarquer les auteurs du rapport. Par exemple, il pourrait être envisagé de désigner un juge de la prévention par département qui serait chargé du suivi des procédures amiables du livre VI du Code de commerce et du règlement amiable prévu par le Code rural et de la pêche maritime. 

Arnaud Dumourier (@adumourier)