Enquête OMPL sur l'externalisation dans les cabinets d'avocats : résultats de la phase 2

Etudes et Documents
Outils
TAILLE DU TEXTE

La branche des cabinets d’avocats connaît d’importantes mutations. Différentes études de l’OMPL montrent que le nombre de cabinets s’accroît tendanciellement et que cette évolution s’accompagne d’une progression globale de l’emploi. Dans le même temps, le nombre de travailleurs non-salariés – avocats collaborateurs, associés, indépendants – ne cesse de croître alors que les effectifs salariés tendent à rester stables, voire à diminuer pour certaines catégories socioprofessionnelles. C’est le cas des professions intermédiaires, catégorie qui recouvre les secrétaires et les assistants juridiques notamment. Ces évolutions traduisent de profonds bouleversements structurels impactant toute la branche.

L’externalisation participe d’un modèle organisationnel largement répandu au sein des cabinets d’avocats. Tous types d’externalisation compris, 71 % des cabinets confient au moins une tâche à un prestataire. Cette proportion est ramenée à 59 % lorsque sont uniquement considérées les fonctions de support direct au cœur de métier.

Près de trois cabinets sur cinq externalisent donc au moins une composante des fonctions nécessaires à leur équilibre économique.

Répartition des cabinets en fonction de leur pratique de l’externalisation

Les cabinets externalisants sont majoritairement représentés pas des cabinets non-employeurs.
Seuls 38 % des cabinets employeurs externalisent au moins une fonction support. En revanche, une surreprésentation des structures employant un à quatre salariés est observée parmi les cabinets externalisants. En effet, au sein de l’ensemble des cabinets, ce type de structure représente 27 % contre 31 % pour les seuls externalisants.
En retour, les non-employeurs sont sous représentés (64 % contre 62 %). Ces différences, statistiquement significatives, révèlent une propension plus accrue à l’externalisation des petits cabinets employeurs.

La localisation joue aussi un rôle prédéterminant dans l’existence de procédures d’externalisation.
La part des cabinets externalisants est très variable en fonction de la région d’implantation du cabinet. Mise à part la Corse, c’est en Île-de-France que la proportion est la plus faible.
Elle se situe à 55 % contre 59 % pour l’ensemble de la France métropolitaine. Cette spécificité est en prise directe avec la taille des entreprises. En effet, l’Île-de-France concentre près d’un tiers des cabinets employeurs. À l’autre bout de l’échelle, plus des trois quarts des cabinets dans les Hauts de France et en Nouvelle Aquitaine externalisent au moins une fonction de support direct. Ces deux régions sont caractérisées par une surreprésentation des cabinets employeurs de taille
intermédiaire.

Convergence des fonctions externalisées

Les fonctions de support direct sont analysées en fonction du degré de délégation des tâches en direction du prestataire. Ainsi, certaines fonctions sont intégralement externalisées. C’est par exemple le cas d’un cabinet recourant à une plateforme externe pour gérer l’accueil téléphonique.
Mais, des fonctions peuvent être partiellement externalisées. Le caractère partiel provient alors de l’irrégularité de la délégation – des tâches sont externalisées ponctuellement – et/ou du traitement simultané en interne et en externe de la fonction.
Ainsi, selon les plages horaires, l’accueil téléphonique peut être assuré par du personnel salarié et/ou par une plateforme externe. Les fonctions partiellement externalisées renvoient à un modèle organisationnel pouvant être qualifié d’externalisation fragmentaire.
Comme le laissaient prévoir les résultats de l’enquête de terrain, les activités les plus externalisées sont celles qui présentent la plus grande distance au cœur de métier de l’avocat. C’est le cas de la comptabilité, des autres activités diverses (ménage, gardiennage, etc.) et des services informatiques.
Les besoins de spécialisation ou de capacité sont deux motifs qui, en toute logique, peuvent conduire les cabinets à externaliser tout ou partie de ces fonctions.
L’externalisation des autres fonctions, plus proche du cœur de métier, n’excède pas 10,5 %. Néanmoins, les proportions sont doublées lorsque l’externalisation fragmentaire est prise en compte. Ces observations sont, encore une fois, cohérentes avec les résultats dégagés à l’occasion du coup de sonde. Une certaine résistance à l’externalisation persiste vis-à-vis de ces fonctions pour des raisons liées à la culture du cabinet, à la maîtrise de la confidentialité et à la préservation de l’intuitu personae.
L’importance relative de l’externalisation fragmentaire peut être le signe d’une progression de pratiques particulières fondées sur la satisfaction quasi immédiate de besoins ponctuels.

Variabilité des motifs à l’externalisation

La recherche de gains en matière d’efficacité organisationnelle, de qualité de la production et de flexibilité constitue la motivation la plus importante
à l’externalisation de fonction de support direct.
Ce constat renvoie aux motivations traditionnellement mises en perspective dans l’étude des schémas organisationnels. L’entreprise cherche à accroître ses capacités ou à accéder à des savoir-faire particuliers sans pour autant élargir ses ressources propres.
Parallèlement à cette recherche d’optimisation productive, l’atténuation des coûts salariaux compte parmi les motivations pour 40 % des cabinets. Les difficultés économiques limitant l’embauche de main-d’œuvre salariée sont évoquées par 31 % des cabinets seulement. Il est à noter que ces résultats sont statistiquement indépendants de la qualité des répondants (salarié ou avocat non salarié) et de la forme du cabinet (employeur ou non-employeur). Ils s’avèrent faiblement liés à la localisation. Du point de vue de ces caractéristiques, la stratégie de limitation de la masse salariale par le recours à un prestataire extérieur semble plutôt limitée dans sa diffusion mais transversale à l’ensemble des cabinets.

Du côté des cabinets non-externalisants, le choix d’une internalisation totale des fonctions estavant tout justifié par la disponibilité des ressources  et des compétences au sein des cabinets pour près de 60 % d’entre eux. Un prix jugé trop élevé des prestations, les réticences au regard
de la confidentialité et les limites matérielles du cabinet jouent dans 30 % environ des cas. Globalement, la qualité des prestations est rarement mise en cause. En revanche, l’importance des réponses neutres laisse entrevoir une réelle méconnaissance du marché de l’externalisation qui avait déjà été relevée au cours des travaux précédents.

Influences des principales caractéristiques

Les caractéristiques des cabinets ont une influence plus ou moins marquée sur la probabilité d’externaliser. Toute chose étant égale par ailleurs, les estimations montrent que la présence d’au moins un collaborateur accroît de près de 6 points de pourcentage les chances pour un cabinet de déléguer au moins une fonction de support direct.
Le détail des données montre que les cabinets accueillant des collaborateurs externalisent beaucoup plus fréquemment les fonctions comptables mais moins fréquemment celles liées la documentation, l’accueil téléphonique et l’accueil physique entre autres. Bien que statistiquement significatifs, les effets de la présence de salarié et du statut juridique du cabinet restent assez modestes. Les cabinets employeurs ont un peu moins de chance d’externaliser que les cabinets non-employeurs. Il en va de même pour les entreprises individuelles et les sociétés par rapport aux groupements. 
En revanche, la jeunesse des cabinets favorise le recours à des prestataires extérieurs. Des limites structurelles liées au développement participent sans doute de ce phénomène, puisque l’externalisation fragmentaire tend à être surreprésentée pour les cabinets de moins de quatre ans. La mention d’une spécialisation favorise aussi fortement le recours à des prestataires extérieurs alors qu’un résultat inverse prévaut pour les cabinets généralistes. Outre une délégation plus fréquente des fonctions liées à la comptabilité et à l’informatique, les cabinets spécialisés font aussi un peu plus souvent appel à des prestataires juridiques.

 Méconnaissance de l’externalisation et de ses effets

Les travaux antérieurs ont permis de déceler une invisibilisation multidimensionnelle des pratiques d’externalisation. Les données recueillies confirment ce phénomène. Plus de 22 % des cabinets ne parviennent pas à se prononcer sur l’importance du recours à des prestataires extérieurs au sein de la branche. Pour 17 %, ces pratiques sont même inexistantes. Néanmoins, ces proportions sont significativement influencées par les pratiques même des cabinets. L’invisibilisation est surreprésentée pour ceux qui n’externalisent pas.
Au sein des externalisants, l’invisibilité participe d’une routinisation des pratiques.
L’invisibilisation joue mécaniquement sur la perception du développement des pratiques. Globalement, 45 % des cabinets perçoivent l’externalisation comme un phénomène en progression. Cette proportion atteint 62 % chez les cabinets externalisants, même si 27 % déclarent ne pas pouvoir se prononcer. Du côté des non-externalisants, la situation est diamétralement opposée. Ils sont 78 % à ne pas percevoir de progression des pratiques d’externalisation.
Du côté de la perception des effets de l’externalisation sur l’emploi, la neutralité prévaut quelles que soient les pratiques des cabinets. Pour 48 % d’entre eux, le recours aux prestataires est sans effet sur l’emploi salarié de la branche. Les effets négatifs sont plutôt perçus au sein des cabinets externalisant, mais à un niveau assez proche de la perception des effets positifs. Logiquement, c’est au sein des cabinets non-externalisants que la neutralité des effets est la plus fréquemment perçue. L’exploitation des données et leur croisement avec d’autres sources permettront prochainement d’évaluer concrètement ces effets.

A propos de l'étude :

Du 12 décembre 2016 au 31 mars 2017, un peu plus de 4500 cabinets d’avocats métropolitains ont été sollicités par téléphone pour répondre à un questionnaire d’enquête de cinq minutes. Un échantillon de 1027 cabinets a pu être exploité. Il a été composé sur la base d’une stratification croisant la taille des cabinets et leur
région d’implantation. En outre, seules les entreprises au sens de l’INSEE ont été interrogées.