CEDH : liberté syndicale et liberté d'expression des magistrats

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La sanction infligée à une juge, qui s’exprimait en tant que secrétaire générale d’un syndicat de juges, pour des propos tenus dans la presse viole la Convention EDH car ses critiques visaient le fonctionnement de la justice et appartenait donc à un débat d’intérêt général.

Une magistrate, secrétaire générale du Syndicat des juges à l’époque des faits, a donné une interview publiée par un quotidien national. à la suite de laquelle une sanction disciplinaire lui a été infligée par le Conseil des juges et des procureurs.

La Cour note que, si la requérante était tenue de respecter le devoir de réserve et de retenue inhérent à sa fonction de magistrate, en tant que secrétaire générale d’un syndicat de magistrats, elle assumait un rôle d’acteur de la société civile.
Elle considère que les propos tenus par la requérante relevaient clairement d’un débat sur des questions d’intérêt public et appelaient un niveau élevé de protection.
Les implications politiques des déclarations de la requérante sur les questions en cause ne sauraient suffire à elles seules pour restreindre sa liberté d’expression en tant que secrétaire générale du Syndicat des juges dans un domaine touchant à l’essence de sa profession.

En ce qui concerne les garanties procédurales dont la requérante devait bénéficier, la Cour constate que la motivation du Conseil des juges et des procureurs (CJP) dans sa décision de sanction, ne comporte pas de développements propres à ménager une mise en balance adéquate entre le droit à la liberté d’expression de la requérante et le devoir de réserve et de retenue qui lui incombait en tant que magistrate.
Il en va de même pour les décisions qui ont été rendues par la suite par diverses instances du CJP dans le cadre des oppositions qui avaient été formées par la requérante.

En conséauence, dans son arrêt de chambre Sarısu Pehlivan c/ Türkiye du 6 juin 2023 (requête n° 63029/19), la Cour européenne des droits de l’Homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’Homme.

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