Le débiteur dessaisi peut-il agir en responsabilité contre son avocat ?

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Le débiteur, même dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, conserve un droit propre à exercer une action en responsabilité professionnelle contre son avocat dont les fautes ont conduit au prononcé de sa liquidation judiciaire et à demander l'indemnisation des préjudices personnels résultant de cette liquidation.

Des époux ont fait appel du jugement par lequel leur plan de continuation a été résolu et leur liquidation judiciaire prononcée.
Leur appel a été déclaré caduc faute d'avoir conclu.
Les débiteurs ont alors assigné en responsabilité leur avocat, lui reprochant de ne pas avoir accompli les diligences nécessaires qui auraient permis d'éviter la caducité de leur appel et d'avoir assuré leur représentation et celle du liquidateur lors de l'instance d'appel du jugement de fixation de leur préjudice économique, alors qu'ils étaient en conflit d'intérêts avec le liquidateur sur l'attribution des dommages et intérêts à venir.

La cour d'appel d'Aix en Provence a déclaré irrecevables ces demandes d'indemnisation.
Les juges du fond ont d'abord retenu qu'une action en responsabilité dirigée par un débiteur en liquidation judiciaire contre son conseil, au cours de la liquidation judiciaire et d'une procédure en recouvrement d'une indemnité pour préjudice économique à la suite d'un accident, ne vise pas à sanctionner une atteinte personnelle à ses droits mais tend à obtenir des fonds, qu'elle revêt un caractère patrimonial et non strictement personnel.
Ils ont ensuite retenu que la nature des sommes à recouvrer, à l'occasion d'une des procédures en réparation d'atteintes personnelles, pour lesquelles le client estime que son avocat a commis des fautes, ne peut modifier l'objet principal de l'action qui ne concerne pas un droit propre, mais revêt un caractère purement patrimonial et qu'il en est ainsi du préjudice moral lié à une action patrimoniale qui ne résulte pas directement d'un droit attaché à la personne.

La Cour de cassation invalide ce raisonnement.
Dans un arrêt rendu le 17 janvier 2024 (pourvoi n° 21-25.443), elle indique qu'il résulte de l'article L. 641-9 du code de commerce que le débiteur en liquidation judiciaire n'est pas dessaisi de l'exercice d'une action tendant à obtenir réparation du préjudice moral qu'il prétend avoir subi, cette action étant attachée à sa personne et n'étant pas, comme telle, comprise dans la mission du liquidateur.
Or, en l'espèce, les débiteurs recherchaient la réparation, outre des préjudices matériels et financiers, des préjudices moraux liés à leur mise en liquidation judiciaire ayant, selon eux, entraîné une situation de dépendance financière pour l'époux et des troubles médicaux pour l'épouse, ces actions étant attachées à leur personne.

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