Nullité de l'accord d'honoraires d'avocat pour dépendance économique

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L'avocat, qui se trouve dans une situation de dépendance économique vis à vis de son client, peut, comme tout contractant, invoquer un consentement vicié par la violence, et se prévaloir ainsi de la nullité de l'accord d'honoraires conclu avec ce client.

L’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) a confié à un avocat la défense de ses intérêts dans une série de dossiers concernant les salariés d'une association.
Alors que l'avocat avait suivi l'ensemble de ceux-ci en première instance, l'AGS l'a chargé de suivre la procédure en appel pour 795 dossiers et en a confié 140 à un autre avocat.
Ayant été dessaisi en cours d'instance, l'avocat a demandé au bâtonnier de son ordre de fixer ses honoraires en faisant valoir qu'il avait droit à un complément d'honoraires pour la première instance, à des honoraires pour la procédure d'appel et à une rémunération de son intervention lors de la procédure collective de l'association.

La cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a relevé que l'avocat était en difficulté financière et était donc dépendant économiquement de l'AGS. Pour la cour d'appel, cette situation caractérise une contrainte économique constituant un vice du consentement conformément à l'article 1111 ancien du code civil applicable à l'espèce.
Les juges du fond ont donc annulé la convention d'honoraires, laquelle fixait à 90.000 € hors taxe le montant des honoraires forfaitaires perçus par l'avocat pour la procédure d'appel, et fixé ces honoraires à la somme de 350.000 €.

Dans un arrêt du 9 décembre 2021 (pourvoi n° 20-10.096), la Cour de cassation rejette le pourvoi de l'AGS.
Il résulte des articles 1er et 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que l'avocat doit en toutes circonstances être guidé dans l'exercice de sa profession par le respect du principe d'indépendance et par celui d'exercer ses fonctions "avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité". Toutefois, ces dispositions ne sauraient priver l'avocat, qui se trouve dans une situation de dépendance économique vis à vis de son client, du droit, dont dispose tout contractant, d'invoquer un consentement vicié par la violence, et de se prévaloir ainsi de la nullité de l'accord d'honoraires conclu avec ce client.
La cour d'appel ayant caractérisé l'état de dépendance économique dans lequel l'avocat se trouvait à l'égard de l'AGS et l'avantage excessif que cette dernière en avait tiré, elle en a à bon droit déduit que cette situation de contrainte était constitutive d'un vice du consentement, excluant la réalité d'un accord d'honoraires librement consenti entre les parties, et fixé les honoraires dus à l'avocat comme elle l'a fait.

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