Ouverture d’un bureau secondaire en entreprise : remise en cause des règles essentielles régissant la profession d'avocat

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La décision du CNB permettant à un avocat de domicilier de façon permanente et effective une partie de son activité dans les locaux d'une entreprise est susceptible de placer les avocats concernés dans une situation de dépendance matérielle et fonctionnelle vis-à-vis de l'entreprise qui les héberge et met en cause les règles essentielles régissant la profession d'avocat d'indépendance et de respect du secret professionnel.

Par une décision des 1er et 2 juillet 2016, le Conseil national des barreaux (CNB) a modifié l'article 15.2.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat, qui dispose désormais que : "l'ouverture d'un ou plusieurs bureaux secondaires est licite en France et à l'étranger, sous réserve des dispositions de l'article 8-2 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée. Le bureau secondaire, qui peut être situé dans les locaux d'une entreprise, doit répondre aux conditions générales du domicile professionnel et correspondre à un exercice effectif et aux règles de la profession notamment en ce qui concerne le secret professionnel. L'entreprise au sein de laquelle le cabinet est situé ne doit pas exercer une activité s'inscrivant dans le cadre d'une interprofessionnalité avec un avocat".
Les modifications ainsi apportées ont consisté à permettre qu'un bureau secondaire soit situé dans les locaux d'une entreprise.

Le 29 janvier 2018, le Conseil d’Etat annule cette décision du CNB.
Il relève que les dispositions attaquées du règlement intérieur national de la profession d'avocat ont pour objet de permettre à un avocat exerçant à titre individuel ou à une entité prévue à l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 formée pour l'exercice de la profession d'avocat de domicilier de façon permanente et effective une partie de son activité dans les locaux d'une entreprise, qui peut être sa cliente.
Elles permettent l'exercice de la profession dans des conditions qui ne correspondent pas à des règles et usages des barreaux et doivent ainsi être regardées comme instituant des règles nouvelles.

D'une part, ces modifications de l'article 15.2.2. auxquelles a procédé la décision litigieuse n'ont pas de fondement dans les règles législatives ou réglementaires fixées par les décrets en Conseil d'Etat prévus par l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 et ne peuvent être regardées comme une conséquence nécessaire d'une règle figurant au nombre des traditions de la profession.
D'autre part, ces conditions d'exercice sont susceptibles de placer les avocats concernés dans une situation de dépendance matérielle et fonctionnelle vis-à-vis de l'entreprise qui les héberge et mettent ainsi en cause les règles essentielles régissant la profession d'avocat d'indépendance et de respect du secret professionnel.

Par suite, elles ne sont pas au nombre de celles que le Conseil national des barreaux était compétent pour édicter.

La décision contestée des 1er et 2 juillet 2016 du Conseil national des barreaux doit être annulée en tant que, en son article 1er, elle modifie le troisième alinéa de l'article 15.2.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat pour autoriser les avocats à installer un bureau secondaire dans les locaux d'une entreprise.