Présidentielle 2017 : les candidats apportent des réponses sur l'avenir de la Justice

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Présidentielle 2017 : Quel avenir pour la Justice ?A l'initiative du Monde du Droit, les représentants des candidats à la présidentielle ont présenté leurs propositions sur la justice.

A l'occasion d'une conférence politique sur le thème "Quel avenir pour la Justice ?", animée par Philippe Bilger (magistrat honoraire) le 23 mars dernier au Grand Hôtel Intercontinental avant la 5ème édition du Palmarès des Avocats, Philippe Houillon (représentant de François Filllon), Jean-Pierre Mignard (représentant d'Emmanule Macron) et Bernard Féraud (représentant de Jean-Luc Mélenchon) ont débattu de leurs propositions sur la justice avec Pascal Eydoux, président du Conseil national des barreaux (CNB), et Frédéric Sicard, bâtonnier de Paris.

La question de la Justice ne doit pas se poser qu'en termes de moyens

Bernard Féraud, La France InsoumiseInvités par Philippe Bilger à évoquer le vice le plus criant de la justice française, les intervenants ont tous fait le constat d'une justice sinistrée. Bernard Féraud indique que "la paupérisation de la justice est son principale vice parce qu’elle entraîne tout. Elle entraîne des sous-effectifs, des détériorations de locaux, des procédures plus longues, le fait que des simulacres de justice aient lieu  lors des comparutions immédiates. Cette pauvreté finit par influencer le droit.". Pour remédier à cette situation, Jean-Luc Mélenchon propose "d’une part, une loi de programmation qui après un rattrapage de  6,9 milliards d’euros aboutira en cinq ans à 2,5 milliards supplémentaires - en espérant avoir une mise à niveau par rapport aux pays comparables qui sont l’Allemagne et l’Angleterre d’ici 2011 - et d’autre part, une augmentation de 50 % des personnels pas simplement des magistrats mais aussi les greffiers et agents administratifs", précise le représentant de la France Insoumise.

La question de la justice ne se pose qu'en termes de moyens. "Si on veut plus de moyens, il faut augmenter la ponction fiscale", lance Jean-Pierre Mignard. Il rappelle aussi la fonction de "régulateur de la vie en société" de la justice. "C'est d'abord comme cela que l'on doit apprécier la justice. Remplit-elle ou non cette mission ?".   

Philippe Houillon, Les RépublicainsDe son côté, Philippe Houillon estime que le vice principal de la justice est l'état d'asphyxie dans laquelle elle se trouve. "Cela renvoie à plein de choses comme l’inflation législative, l’organisation, les délais..."

Le bâtonnier de Paris, Frédéric Sicard, pointe du doigt la position de la France dans les classements européens : "Le vice le plus criant est très simple. Il est lié aux classements européens. Nous sommes 37ème sur 45 pour ce qui concerne le classement d’efficacité de la justice au titre des parts du PIB que nous consacrons à la justice. Nous sommes 23ème sur 28 pour ce qui concerne la part du budget que nous consacrons à la justice. Nous sommes les derniers en matière de libertés parce qu’avec les dernières lois que nous avons prises, nous sommes les plus éloignés du modèle CEDH. Nous sommes les derniers en termes de justice. Comment fait-on pour avoir une justice efficace ?"

Pascal Eydoux, Président du CNBDe son côté, Pascal Eydoux, Président du CNB Eydoux, dénonce une crise de l'autorité judiciaire même s'il est d'accord sur le fait qu'il faut augmenter le budget de la Justice. "Il me semble que si nous avions de la part de nos candidats une vraie vision sur l’avenir de la justice, autrement dit sur ce que la société en attend, que l’économie en attend, nous aurions une vision beaucoup plus globale, beaucoup plus généreuse de l’autorité judiciaire, et de sa fonction de régulation sociale" .

Défense du secret professionnel 

En ce qui concerne le secret professionnel, Philippe Houillon fait le constat qu'il a été grignoté "pour arriver à un stade où il n’est plus tout à fait le secret professionnel" . Cela provient du fait que la profession d'avocat n'est plus une profession forte. Aussi, il invite les avocats à se mobiliser pour qu'à l'avenir la profession soit plus forte.

Pour Bernard Féraud, "quand on veut qu’une profession soit forte, ce n’est pas simplement la constitutionnalisation de la profession d’avocat" comme le demande Frédéric Sicard mais "c’est de réfléchir à l’ensemble de l’équilibre des pouvoirs publics et notamment de la place de l’autorité judiciaire". Une autorité judiciaire affaiblie ne peut produire que des professions qui s’affaiblissent. "C’est pour cela que nous proposons dans la Constitution de faire de l’autorité judiciaire une autorité indépendante, de rattacher non plus le Conseil Supérieur de la Magistrature mais un Conseil Supérieur de la Justice au Parlement".

Jean-Pierre Mignard, En marche !Jean-Pierre Mignard souligne le paradoxe qui existe entre une profession qui n'a jamais été aussi forte économiquement (12 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 4 milliards d'euros de bénéfices) et un déficit d'autorité. "D’aucuns veulent qu’elle devienne de plus en plus puissante puisque nous avons les juristes d’entreprise qui inlassablement cognent à la porte pour devenir avocat. C’est une question à laquelle, un jour, il va bien falloir se décider à répondre et répondre de façon utile", ajoute-t-il. Sur la question du secret professionnel, il estime qu'"il n’y a pas de raison pour que les avocats soient exclus d’une écoute. Il n’y a pas de privilège qui tienne à une profession simplement Le secret est au bénéfice de ceux que nous défendons. Il est au bénéfice de la mission qui est la nôtre".

Si le secret professionnel des avocats est menacé, c'est à cause de la société selon le Président du CNB qui regrette qu'aucun responsable politique ne valorise le secret professionnel. "Nous savons bien que c’est notre société la première qui refuse le secret professionnel, qui ne le supporte plus, au nom de la transparence qui est devenue une frénésie." 

Politique pénale

Sur la politique pénale, Jean-Pierre Mignard marque sa différence avec François Fillon en s'opposant à la modification de la majorité pénale. "Le principe que nous posons est de laisser la plus grande liberté d’appréciation aux juges, de restaurer les juges dans leur pouvoir, de revenir au principe de l’individualisation la plus poussée des délits et des peines c'est-à-dire la prise en considération des personnes avant qu’elles ne soient jugées et condamnées" . Il ajoute que toute peine prononcée doit être exécutée.

Présidentielle 2017 : Quel avenir pour la Justice?

Philippe Houillon se prononce en faveur d'une politique pénale plus ferme, avec un programme de constructions de places de prison (16.000 contre 15.000 pour Macron), et d'une réduction de l’aménagement de la peine aux peines jusqu’à 1 an.

La lutte contre la corruption, la délinquance des cols blancs, l’infraction sanitaire,  les infractions dans le domaine de l’environnement et le droit pénal des affaires seront des axes majeurs de la politique pénale de la France Insoumise qui sera proposée au Parlement. En droit pénal des affaires, il s'agira notamment de renforcer la responsabilité mère-fille et fille/mère dans les entreprises .

Enfin, le bâtonnier de Paris affirme qu'une politique pénale qui ne soit pas susceptible d’être appliquée c’est une manière de remettre en Frédéric Sicard, bâtonnier de Pariscause l’autorité. "La justice qui ne se donne pas les moyens de l’individualisation, cela n’a pas de sens"

Aide juridictionnelle

Le réprésentant de la France Insoumise considère que la question de l’accès au droit ne doit pas être réduite à la question de l’aide juridictionnelle. L’aide juridictionnelle doit pouvoir être étendue à des actes qui ne soient pas purement juridictionnels. "Dans l’accès au droit, il faut développer ce qui a commencé à se mettre en place qui sont les maisons du droit, les points d’accès au droit. Nous constatons partout que devant la complexité du droit (…) fait que lui-même le justiciable ne s’y retrouve pas. Il faut une démarche globale avec à la fois restaurer une autorité judiciaire indépendante et développer les outils d’accès au droit en permettant que l’ensemble de nos concitoyens y aient accès."

Selon Jean-Pierre Mignard, "l’Unité de valeurs à 32 euros ce n’est pas possible !". Aussi, il propose de "mobiliser l'argent des compagnies d'assurance" et d'avoir  une gestion tripartite Etat-Ordres-Compagnies d’assurance.

"L’aide juridictionnelle est le piège absolu de la profession d’avocat", fait remarquer le Président du CNB.  Il souhaite une vision claire avec "les moyens pour le faire qui ne sont pas forcément des moyens de tribunaux. Ce sont des moyens de confiance envers les professions et notamment envers la profession d’avocat".

Arnaud Dumourier (@adumourier)

Mignard : la profession est paradoxalement économiquement plus forte que ne l’a jamais été. Quand on voit le chiffre d’affaires qui est énorme 12 milliards d’euros avec 4 milliards de bénéfices. Economiquement, jamais elle n’a été aussi forte. Ce qui peut sembler paradoxal c’est comment une profession aussi économiquement forte peut avoir perdue son autorité. La profession a considérablement multiplié ses fonctions au point d’être devenue cette grande profession puissante. D’aucuns veulent qu’elles deviennent de plus en plus puissante puisque nous avons les juristes d’entreprise qui inlassablement cognent à la porte pour devenir avocat. C’est une question à laquelle un jour il va bien falloir se décider à répondre et répondre de façon utile. Sur la question du secret professionnel, il n’y a pas de raison pour que les avocats soient exclus d’une écoute. Il n’y a pas de privilège qui tienne à une profession simplement Le secret est au bénéfice de ceux que nous défendons. Il est au bénéfice de la mission qui est la nôtre. Ces écoutes ne peuvent en aucun cas être confiées à un seul magistrat mais au moins deux. Il y a un juge des libertés. Je me méfie des mesures du type de la constitutionnalisation. C’est satisfaisant en soi mais pratiquement comment cela se passe


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