CJUE : authenticité de la signature d’une demande d’inscription au livre foncier attestée par un notaire et pas par un avocat

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Est conforme au droit de l'Union la réglementation nationale qui réserve aux notaires l’authentification des signatures apposées sur les documents nécessaires à la création ou au transfert de droits réels immobiliers et qui exclut, de ce fait, la possibilité de reconnaître dans cet Etat membre une telle authentification effectuée par un avocat conformément à son droit national, établi dans un autre Etat membre.

L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) a introduit une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 77/249/CEE du 22 mars 1977 tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats, ainsi que de l’article 56 TFUE.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant une ressortissante autrichienne au Bezirksgericht Freistadt (tribunal du district de Freistadt, Autriche) au sujet du refus opposé par ce dernier de procéder à l’inscription au livre foncier autrichien d’un projet de vente d’un bien immobilier au motif que, contrairement à ce qu’exige le droit autrichien, la signature du demandeur n’a pas été authentifiée par un tribunal ou un notaire.

Dans un arrêt du 9 mars 2017, la Cour de justice de l'Union européenne considère que la réglementation autrichienne en cause constitue une restriction au principe de la libre prestation des services garantie par l’article 56 TFUE. En effet, d’une part, cette réglementation empêche les avocats établis en République tchèque, où ils sont habilités à certifier les signatures figurant sur les documents nécessaires à la création ou au transfert de droits réels immobiliers, d’offrir ce service à des clients envisageant de s’en prévaloir en Autriche. D’autre part, la législation autrichienne restreint également la liberté d’un ressortissant autrichien de se rendre en République tchèque pour y bénéficier de ce service, étant donné que la certification délivrée par un avocat tchèque ne sera pas utilisable en Autriche en vue de procéder à une inscription dans le livre foncier.
Dans ces conditions, les dispositions nationales qui imposent de vérifier, par le recours à des professionnels assermentés tels que les notaires, l’exactitude des inscriptions portées au livre foncier contribuent à garantir la sécurité juridique des transactions immobilières ainsi que le bon fonctionnement du livre foncier et se rattachent, de manière plus générale, à la protection de la bonne administration de la justice. Or, cette dernière constitue une "raison impérieuse d’intérêt général permettant de justifier une restriction au principe de la libre prestation de services".
La Cour estime enfin que cette restriction est proportionnée dans la mesure où, en Autriche, l’intervention du notaire est importante et nécessaire afin de procéder à l’inscription au livre foncier.
En effet, dans cet Etat membre, "la participation du notaire ne se limite pas à confirmer l’identité d’une personne ayant apposé sa signature sur un document, mais implique également qu’il prenne connaissance du contenu de l’acte en question afin de s’assurer de la régularité de la transaction envisagée". De plus, "le notaire doit également vérifier la capacité de la personne concernée à accomplir des actes juridiques".
Dans ces circonstances, le fait de réserver les activités liées à l’authentification des actes portant sur la création ou le transfert de droits réels immobiliers à une catégorie particulière de professionnels, à laquelle s’attache une confiance publique et sur laquelle l’Etat membre concerné exerce un contrôle particulier, constitue une "mesure appropriée pour atteindre les objectifs de bon fonctionnement du système du livre foncier ainsi que la légalité et la sécurité juridique des actes conclus entre particuliers".

La Cour souligne en outre que "la certification par les avocats tchèques de signatures apposées sur des actes n’est pas comparable à l’activité d’authentification effectuée par les notaires". En effet, "l’acte de certification délivré par un avocat tchèque ne constitue pas un acte authentique en République tchèque". Par conséquent, une obligation pour les autorités autrichiennes de reconnaître la certification effectuée par un avocat tchèque comme équivalente à une authentification émanant d’un notaire reviendrait à "conférer à l’acte de cet avocat une force différente de celle qu’il pourrait avoir" même en République tchèque.
Dans ces conditions, la Cour juge que le principe de la libre prestation de services ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que la réglementation autrichienne en cause.


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