Compliance et arbitrage, un mariage incestueux ? 

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A la faveur d’un colloque organisé ce 31 mars 2021 conjointement par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC), le Centre de Recherche sur la Justice et le Règlement des différends (CRJ) de l'Université Panthéon-Assas (Paris II) et la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (ICC) sous forme de webinaire, praticiens et théoriciens du droit ont porté un regard critique sur le thème « Compliance et arbitrage ». Ce thème novateur qui inaugure un cycle de colloque sur la juridictionnalisation de la compliance a révélé des points de convergence et de frictions de ce couple qui s’ignore. 

L’exercice semblait périlleux mais le jeu valait la chandelle. Près de six heures d’intenses échanges ont été consacrées à ce colloque sur la compliance et l’arbitrage qui a réuni plus de 200 participants à l’instar des panélistes. La compliance, ce sujet dont le contenu notionnel est polysémique a été confronté à l’arbitrage commercial international voire celui des investissements.

Si l’arbitrage se fonde sur un contenu contractuel, la compliance repose sur des actes unilatéraux imposés par l’Etat ou émanant des initiatives privées (devoir de vigilance imposé par la loi, charte éthique des entreprises…). La compliance demeure un concept qui se veut large au service de la lutte contre la corruption, la lutte contre le blanchiment des capitaux, la protection de l’environnement, la protection des droits de l’homme dans les activités des entreprises ou des investisseurs).
La compliance résulterait d’un échec des Etats à moraliser le monde des affaires et participerait à redéfinir les frontières du droit entre légalité et illégalité ou licéité et illicéité. Les panélistes ont convenu que la compliance suppose une intervention ex-ante pour prévenir un risque identifié tandis que le droit intervient souvent ex-post pour sanctionner. Dès lors, l’arbitre doit-il rester indifférent à la compliance ? Quelle conduite doit tenir un arbitre en face des indices de corruption qui lui sont rapportés pour le différend contractuel du moment qu’il n’est ni juge, ni juge répressif ? Quelles conciliations entre l’arbitrage qui nécessite la confidentialité et la compliance en rapport avec l’intérêt public et nécessitant de la transparence ? Ces interrogations multiples ont nourri les différents échanges qui se voulaient prospectifs. Néanmoins, la jurisprudence, les principes généraux du droit et plusieurs autres sources du droit ont été mobilisé par les panélistes. Jean-Baptiste Racine, panéliste et directeur scientifique du colloque notait que « si l’arbitrage ne va pas à la compliance, la compliance ira à l’arbitrage ». Toutefois, s’est-il interrogé sur les modalités et les frontières de l’emprise de la compliance sur l’arbitrage.

Marie-Anne Frison-Roche, Cécile Chanais, François-Xavier Train, Eduardo Silva Romero, Catherine Kessedjian, Mathias Audit, Claire Debourg, Elie Kleiman, Dominique Bourrinet, Alexis Mourret étaient quelques autres panélistes. Tous ont porté leur regard critique sur la thématique qui reste un champ à explorer. Il ressort des conclusions des panélistes qu’il faudrait de l’audace de la part de l’arbitre, de la prudence voire un devoir de vigilance face à la compliance. Il apparaît également que la construction du droit de l’arbitrage et de la compliance est non moins liés à une perspective de droit global.

Qowiyou FASSASSI