Action collective : l'avocate Elisabeth Gelot s'engage pour le droit d'accès à la jurisprudence

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Elisabeth Gelot, avocate au sein du barreau de Lyon, a lancé une action collective dans le but de permettre aux avocats d'avoir accès aux bases de données jurisprudentielles déjà à disposition des magistrats.

Le constat effectué par l'avocate lyonnaise est simple : les magistrats ont à leur disposition certaines bases de données très étoffées et actualisées régulièrement, et pas les avocats. Ces bases de données, Ariane pour l'ordre administratif et JuriCA pour l'ordre judiciaire, donnent un avantage très important à tout le personnel de la justice dans la préparation des décisions.

Elisabeth Gelot indique ainsi que les bases de données Ariane et Ariane archives contiennent l'ensemble des décisions du Conseil d'Etat et du Tribunal des conflits, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs, ainsi qu'un grand nombre de conclusions des rapporteurs publics. L'accès est semble-t-il uniquement réservé aux magistrats administratifs et aux agents qui travaillent dans les tribunaux et cours administratives ou au Conseil d'Etat.

Côté judiciaire, JuriCA contient quant à elle l'ensemble des décisions de cours d'appel et les décisions prises par les premiers présidents de cour d'appel. L'accès est réservé au personnel du ministère de la justice (magistrats et fonctionnaires), mais certaines universités et éditeurs y ont aussi accès grâce à des programmes de partenariat.

Ces bases de données sont actualisées régulièrement mais surtout, les décisions qu'elles contiennent ne sont pas anonymisées. Les noms des justiciables y apparaissent en clair, pas question donc de laisser libre accès au public à ces bases de données, à l'heure où toute décision publiée sur le site des juridictions (Cour de cassation ou Conseil d'Etat par exemple) ou sur Legifrance doivent être totalement anonymisées.

Et c'est bien cela qui fâche : ces bases de données sont réservées uniquement aux magistrats et au personnel des juridictions et du ministère de la Justice car les décisions ne sont pas anonymisées... Ce qui sous-entend que les avocats n'auraient pas la probité nécessaire pour avoir accès à de telles données.

Elisabeth Gelot avance que refuser l'accès aux avocats à ces bases de données car les décisions ne sont pas anonymisées est insensé. Selon elle, les avocats sont des auxiliaires de justice qui, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat dans une ordonnance du 20 avril 2020, concourent au service public de la justice.

Les avocats font en outre partie d'une profession réglementée et sont soumis à des obligations déontologiques. Pour s'assurer totalement de la bonne utilisation de ces bases de données, l'avocate préconise d'ailleurs plusieurs obligations contractuelles :

  • Un engagement de « ne pas utiliser les données en dehors des missions de conseil et de défense (exclure tout usage dans le cadre des activités accessoires connexes) »
  • Une « interdiction de transférer à des tiers ces données ou de les céder (inspirée du contrat d’abonnement au fonds de concours, et renforcée) »
  • Et enfin la mention d'un « rappel de l’obligation de respect des droits d’auteur pour les documents qui en relèvent [comme les] conclusions des rapporteurs publics »

Pour Elisabeth Gelot, avoir accès à ces bases de données auraient plusieurs avantages considérables.

Tout d'abord, cela permettrait aux avocats de rédiger des conclusions beaucoup plus fournies en matière de jurisprudence et donc, in fine, de mieux représenter, conseiller et défendre les justiciables. Difficile en effet de jouer à armes égales avec les magistrats, rapporteurs publics et tout le personnel de la justice lorsque ceux-ci ont accès à des bases de données colossales, contenant des informations précieuses et tous les précédents jurisprudentiels pertinents selon le cas à traiter.

Aussi, le gain de temps serait sans doute important, car les avocats perdraient moins de temps dans leurs recherches de jurisprudence et prépareraient ainsi plus rapidement la défense de leurs clients.

Enfin, bien sûr, sur le plan économique, l'enjeu est immense. Car dans la plupart des cas les cabinets d'avocats doivent payer des abonnements à des éditeurs pour avoir un accès à (une partie de) la jurisprudence.

Elisabeth Gelot met enfin en avant la crise que traversent les cabinets d'avocats, à la suite non seulement du mouvement social qui a marqué la profession au début de l'année mais aussi du confinement.

Dans cette période difficile autant pour les avocats que tout le personnel de la justice, ne serait-il pas finalement dans l'intérêt de tous de permettre aux avocats d'avoir accès à ces bases de données ?

L'avocate lyonnaise appelle tous les avocats intéressés par cette démarche à se renseigner ici sur l'action collection en question.

Raphaël Lichten