Jean-Raphaël Fernandez, bâtonnier de Marseille : « Je souhaite rendre le réflexe avocat plus naturel et automatique auprès des citoyens »

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Le Monde du Droit a interrogé Jean-Raphaël Fernandez, bâtonnier de Marseille. Il évoque la place et l’influence du bâtonnier à Marseille, les actions engagées pendant la première partie de son mandat ainsi que ses priorités pour les prochaines semaines.  

Quelles sont, selon vous, la place et l’influence du bâtonnier à Marseille ? 

Le bâtonnier est, traditionnellement, le représentant des avocats du barreau. Il tient une place prépondérante dans la cité, deuxième ville de France et capitale régionale du Sud de la France. Le barreau est une composante essentielle de la ville, un acteur incontournable et un moteur dans l’accès au droit. 

En tant que bâtonnier, j’aide les avocats marseillais à répondre au besoin crucial de justice. A ce titre, je désigne chaque jour 50 avocats au titre de la commission d’office afin que tous les Marseillais puissent bénéficier d’une assistance de qualité. 

Les avocats sont les  partenaires privilégiés des entreprises du territoire, le bâtonnier promeut auprès d’elles l’expertise d’avocats spécialisés pour créer et développer leur entreprise,  faire face à leurs éventuelles difficultés et et sécuriser les opérations de transmission. Je suis le porte-parole des cabinets d’avocats auprès de l’ensemble de l’écosystème entrepreneurial. Mon rôle est de faire savoir qu’à Marseille, nous disposons de cabinets spécialisés dans tous les domaines d’activité du droit, que la compétence locale est gage de sécurité, de proximité, et de rapidité avec une connaissance fine des acteurs locaux et régionaux souvent indispensable dans le pilotage d’un projet. 

Enfin, je suis l’interlocuteur privilégié des représentants des institutions publiques et privées, pour défendre la place de l’avocat dans la ville. Je suis en relation avec les élus pour présenter la position des avocats de Marseille sur les propositions de loi relatives à tout ce qui touche l’exercice au quotidien de sa profession. Ainsi, j’alerte, je prends position et, parfois, je lance le barreau dans des recours juridictionnels relatifs aux libertés fondamentales et individuelles car l’essence même de notre profession est la défense des droits et libertés des citoyens. 

Quelles actions avez-vous pu mener durant la première partie de votre mandat ? 

S’agissant des recours, le barreau a été partie jointe, avec d’autres barreaux ou le Conseil national des barreaux parfois, à des contentieux liés aux ordonnances Covid, aux conditions de détention des détenus et aux modalités d’exercice de la profession.  

Le barreau a entamé une multitude de chantiers. Actuellement, nous rénovons notre Maison de l’avocat pour la rendre plus accessible et fonctionnelle. Nous voulons créer des espaces de vie et d’échanges plus importants, afin d’y retrouver une réelle confraternité, indispensable après deux ans de crise sanitaire et face à la digitalisation de la société. Nous souhaitons réellement conserver ce qui fait l’essence de notre métier. 

Cet objectif de recréer du lien se manifeste également par une volonté de développer tous les domaines autour desquels les avocats peuvent se réunir. En l’occurrence, nous avons constaté que l’activité sportive était porteuse de valeurs morales mais aussi un moyen d’échanges. Ainsi, nous avons reconfiguré toutes nos sections afin que tous les sports pratiqués soient référencés. Cela fait un an que nous travaillons sur ce projet, qui aujourd’hui se concrétise par des évènements communs. 

Le barreau met également en place une vraie politique de développement des modes alternatifs de règlement des différends (MARD). Nous tentons de mettre à disposition tous les outils nécessaires aux avocats médiateurs et accompagnateurs en médiation. Cette politique a donné lieu à la création d’une association, AMMA, qui devrait être finalisée cet été. Nous voulons que Marseille soit au cœur de tous les MARD. 

Encore, le barreau a pour grand projet de participer à la refondation des rapports entre avocats associés collaborants et avocats collaborateurs sans oublier la place essentielle des individuels. Une enquête de grande ampleur a été réalisée, la plus grande en valeur au sein de la profession avec plus de 800 réponses enregistrées. La collaboration libérale connaît un essoufflement, il existe une pénurie de collaborateurs dans certains domaines, car certains ne sont plus intéressés par la collaboration traditionnelle – collaboration à temps plein avec rétrocession mensuelle fixe. C’est un problème majeur que nous souhaitons résoudre et c’est pourquoi nous y consacrons énormément de temps. 

Le barreau de Marseille est un grand barreau avec des ressources, ce qui nous permet de disposer de confrères qui prennent du temps pour le collectif et nous mènerons au bout ces chantiers.

Quels sont vos objectifs pour la suite ? 

Nous allons d’abord finaliser toutes nos actions en cours. Nous avons déjà accompli énormément de projets avec la modernisation de la Maison des avocats par la dématérialisation de la quasi-totalité de nos services. 

Au-delà, le barreau de Marseille s’est donné pour mission d’accompagner les cabinets d’avocats dans leur transition numérique. L’exercice de la profession devient sur certains aspects plus difficile, notamment par la complexification du droit et l’alourdissement des charges et c’est pourquoi nous devons aider les cabinets à gagner en compétitivité et en réactivité. 

L’autre versant de cet objectif est de rendre le réflexe avocat plus naturel et automatique auprès des citoyens. En tant que représentant de l’Ordre, le bâtonnier doit être le promoteur inlassable de ses confrères et il doit aussi s’atteler à remettre en place des relations plus sereines entre avocats et magistrats qui ont tendance à se détériorer. 

Les élections approchent, que pouvez-vous espérer du prochain bâtonnier ? 

Ce que je peux dire c’est, qu’à Marseille, où le taux de votants est parmi les plus importants de France (87%), le bâtonnier doit être à la fois un véritable chef de route et un confident. 

J’espère que le prochain bâtonnier, comme mes prédécesseurs, poursuivra la construction de ce grand barreau et s’inscrira dans cet esprit de confraternité qui nous tient à cœur. 

Barreau solide économiquement, je ne doute pas que mon successeur continue de dynamiser le barreau de Marseille, à travers des projets structurants portés par une vision, pour qu’il conserve sa place dans la cité. Il devra poursuivre cette mission d’accompagnement des cabinets et de protection des droits des citoyens. 

Le barreau de Marseille tient une place singulière, c’est un barreau respecté et écouté. Ainsi, de par son implication dans la vie des institutions représentatives de la profession, il me semble nécessaire que le prochain bâtonnier veille à ce que la voix des avocats de Marseille continue d’être entendue par leurs confrères. 

Propos recueillis par Lisa Saccard