Faut-il avoir peur de l’action de groupe ?

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Interview de Louis Boré, avocat au conseil sur l'action de groupe.

louis boreSur un plan purement juridique, existe-t-il encore des obstacles à l’introduction de l’action de groupe en droit français ?

Il existe, en réalité, deux types d’actions de groupe : celles fondées sur une option d’inclusion, et celles fondées sur une option d’exclusion. L’introduction en droit français d’une action avec option d’inclusion ne soulève aucun obstacle majeur puisqu’elle repose sur la réunion de plusieurs mandats. L’option d’exclusion, elle, est plus délicate à mettre en œuvre au regard de la jurisprudence constitutionnelle qui protège la liberté de ne pas agir en justice.

Quels sont les éléments caractéristiques et essentiels de l’action de groupe à la française, telle qu’elle est conçue dans le projet de réforme du droit de la consommation ?

Le projet d’action de groupe est très français en ce qu’il réserve cette action aux seules associations agréées de consommateurs et ne l’introduit que dans le droit de la consommation et de la concurrence. Il choisit l’option d’inclusion et crée une figure procédurale tout à fait nouvelle qu’on pourrait appeler une "offre de jugement". Le juge va définir des modalités de réparation du préjudice et les victimes pourront, librement, choisir d’en demander l’application ou, au contraire, préférer engager une action individuelle.

Telle qu’elle est envisagée dans le projet de réforme du droit de la consommation, cette action de groupe à la française a-t-elle plus de vertus que de vices ?

Cette action de groupe à la française aura pour principale vertu d’exister. Ce projet si souvent annoncé puis abandonné va enfin voir le jour. Mais ce n’est qu’un premier pas. Je pense que le projet va rapidement montrer ses limites. D’abord, en ce qu’il est limité au seul droit de la consommation et de la concurrence, alors que l’action aurait pu être utile dans bien d’autres domaines, et ensuite, en ce que bien souvent, peu de victimes se manifesteront pour revendiquer le bénéfice de l’action.

Les consommateurs peuvent-ils se féliciter de cette action de groupe ?

Les consommateurs peuvent naturellement se féliciter de cette action de groupe qui va faciliter l’indemnisation de leurs préjudices. Mais ils ne doivent pas demeurer purement passifs. Il faut qu’ils se manifestent pour demander expressément cette réparation lorsque « l’offre d’indemnisation » aura été définie par le juge.

Les entreprises doivent-elles craindre cette action de groupe ?

L’action de groupe n’ajoute aucune obligation à la charge des entreprises. Elle ne fait que permettre l’application du droit existant. Si ce droit est trop lourd et trop sévère à leur égard, c’est sur lui qu’il faut agir, et non sur l’action de groupe qui n’est qu’un révélateur.

 

Propos recueillis par Denis Mazeaud, Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

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Cet article est extrait du n° 2 de la newsletter Le Monde du Droit Selon Capitant  (TELECHARGER LE NUMERO AU FORMAT PDF)