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Le Monde du Droit a rencontré Thomas Saint-Aubin et Pierre Lasvigne, CEO et CTO de Seraphin.studio. Ils nous expliquent comment ils accompagnent les legaltech et nous donnent leur vision sur le développement de ces start-up du droit. 

Pouvez-vous nous présenter Seraphin Studio ?

Seraphin.legalhttp://seraphin.studio est une fabrique à legaltech .

C’est un start-up studio, c’est à dire une fabrique à start-up, dédié au monde du legal. Nous mutualisons à la fois un socle technologique répondant à 90% des besoins des legaltech ainsi qu’un socle de gestion administrative afin que nos entrepreneur-in-residence puissent se focaliser sur leur métier.

Nous participons activement via notre groupe Seraphin.legal à l’émergence des legaltech en France, ainsi qu’à l’ouverture des données afin de co-développer avec les institutions et nos partenaires Seraphin les solutions innovantes qui rendront le droit plus accessible aux entrepreneurs.

Concrètement, comment accompagnez-vous les legaltech ?

Nous axons notre offre en 3 parties.

- Nous aidons les porteurs de projets legaltech à créer leur plateforme en montant l’équipe technique et marketing idéal à leur projet. La mutualisation de notre plateau de développeurs ainsi que nos équipes juridico-techniques nous permet d’annoncer un cycle de 6 mois pour la production et la première mise sur marché de leur produit afin de tester le concept qu’ils portent.
- Nous proposons aussi, notamment aux cabinets d’avocats portés vers l’avenir, de produire leur propre legaltech sous leur marque en utilisant le socle technologique du Seraphin.studio ainsi que le meilleur de nos partenaires legaltech. Cela permet aux cabinets d’avocats de s’augmenter et de rester seul maître de ce qu’ils co-designeront avec nous.
- Enfin pour les legaltech déjà en place, nous leur donnerons accès prochainement à un vrai Legal Tech Store qui leur permettront de souscrire aux meilleurs offres du marché afin d’améliorer leur produit sans avoir à “réinventer la roue”.

Pouvez-vous nous donner des exemples ?

Pour une structure juridique, nous proposons par exemple de créer une JV. En contrepartie de nos apports, le cabinet d’avocats apporte son savoir-faire et partage des données métiers.

A titre d’exemple, parmi nos technologies, l’outil Assistant permet à notre partenaire avocat de créer son propre robot assistant à partir de son arbre décisionnel. L’outil Contract lui servira à proposer des contrats standardisés à partir de son clausier métier dont il pourra automatiser l'exécution de certaines clauses par nos outils Blockchain.

Parfois, plutôt que de créer une start-up ad hoc, une structure juridique souhaite simplement expérimenter ou intégrer de la Legal Tech à son offre. Sur 3 mois, nous réalisons un audit de sa pratique numérique, animons des ateliers pour former les collaborateurs à l’usage des technologies puis terminons par la mise à disposition d’une solution Legal Tech que l’avocat propose directement à ses clients sous sa marque.     

Notre différenciation ? Nous développons des solutions Legal Tech sur-mesure avec nos clients-partenaires qui sont eux-mêmes les meilleurs experts de leur verticale métier.

Quelle est votre ambition sur ce marché qui est encore jeune ?

Nous nous positionnons au carrefour de 2 marchés : celui des start-up studio et celui de la legal tech.

Alors que le modèle des incubateurs/ accélérateurs s’effondre, Il existe déjà 100 start-up studios dans le monde : 37 aux USA, 42 en Europe, dont 10 en Allemagne, 10 au Royaume-Unis et 3 en France ( dont eFounders.co) . Tous les studios se sont positionnés sur un segment B2B: nous sommes le premier start-up studio dédié à la legal tech en France, le 2ème à l’international.

Concernant plus spécifiquement le marché de la Legal Tech, nous participons à sa promotion et à son analyse via notre contribution à la communauté ‘’Génération French Tech’’ portée par SNCF Développement.

Selon l'étude sur les levées de fonds en France, ''la Legal Tech est manifestement LE marché émergent qui devrait encore accélérer en 2018, porté par deux ruptures qui se combinent entre elles: la blockchain et le GDPR".

Au coeur de la Legal Tech et de la Privacy Tech, nos projets de R&D se focalisent sur ces innovations technologiques et juridiques de rupture.

Nous participons également à la constitution du consortium eJustice pour faire de l’Etat "la première legaltech" et participer au co-développement du service public numérique de la Justice.

A l’horizon 2020, nous espérons devenir l’un des leaders de ce marché émergent dans les pays de tradition romano-civiliste. .

Quel regard portez-vous sur le développement des legaltech ?

Les professionnels du droit, de l’innovation et du numérique du réseau Seraphin partagent la conviction que nous allons connaître dans les prochaines années la plus grande évolution connue par le droit depuis le code Justinien. C’est à la fois un immense défi pour les juristes et un enjeu sociétal de premier plan.

Après une 1ere génération de legaltech dédiée à l’automatisation des tâches para-légales, nous assistons à l’émergence d’une 2ème génération développée par les juristes innovateurs eux-mêmes et qui poursuit l’objectif de rénover globalement l’application du droit dans ce nouvel environnement numérique.

Nous nous réjouissons beaucoup de la prise de conscience des juristes des opportunités de l’économie numérique du droit et de la multiplication des initiatives dédiées à l’innovation.

Avec l’avènement des legaltech créées avec et pour les juristes, le droit se repositionne au coeur du business de la nouvelle économie.
Nous développons aussi des modules “d’accès au droit augmenté” : ils replacent l’humain au coeur du dispositif en accompagnant ses interventions de solutions techniques qui offrent la possibilité de mettre en oeuvre concrètement et in situ ses droits.

Tous ces juristes innovants préfigurent "l’avocat augmenté’", évoqué par Christiane Féral-Schuhl lors de la convention nationale des avocats à Bordeaux, au coeur de la stratégie de Seraphin.legal depuis sa création en décembre 2016.

Les futurs ‘’legaltech lawyer’’ proposeront des prestations juridico-techniques inédites, notamment au travers du "Privacy By Design" ou de la technologie blockchain. Ils contribueront à apporter des solutions nouvelles pour appréhender l’économie collaborative et favoriser l’accès au droit et à la Justice pour tous.

Pour encadrer ces développements, il faudra définir ce ‘’droit de la Legal Tech’’. Nous avons besoin de quelques règles complémentaires : nous sommes quotidiennement confrontés à des difficultés pour travailler avec certaines professions bridées dans leur créativité.

Dans la continuité des travaux de soft law initiés sur la charte éthique de la legal tech, Il faudrait par exemple réfléchir à des règles déontologiques spécifiques pour les activités numériques des avocats, notamment pour ceux qui souhaitent mener une activité 100 % numérique et répondre aux ambitions de la loi ‘’Justice du 21ème siècle’’ de créer des chaînes du droit totalement numériques.

Surtout, pour faire face à la concurrence internationale, il faudrait autoriser en France la création de véritable structure alternative, comme cela existe déjà aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Australie.

A terme, c’est un véritable ‘’barreau numérique’’ qu’il faut maintenant imaginer pour cet avocat augmenté.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)