PGE : les entreprises peinent à rembourser

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Fragilisées par l’inflation et l’allongement des délais de paiement, les entreprises ont de plus en plus de mal à rembourser leur PGE. La plupart des PGE souscrits en 2020 et qui ont permis de soutenir les entreprises pendant les mois de pandémies, sont remboursables pour une partie importe d’entre eux à partir de 2022.

Jusqu’à présent, les pouvoirs publics se voulaient rassurants, indiquant que très peu de bénéficiaires du PGE (4,6 % en juillet 2022) rencontreraient des problèmes de remboursement.

Or, il semblerait que de nombreuses entreprises ne soient plus en mesure de rembourser leurs dettes.

Quelles sont aujourd’hui les conditions de remboursement du PGE ?

Sur les PGE souscrits en 2020, 44 % ont commencé à être remboursés à l’issue de la première année (en 2021) et 56 % commencent à être remboursés en 2022, pour leur grande majorité au deuxième trimestre 2022.

Le remboursement du PGE doit en théorie être effectué dans un délai total de 6 ans maximum suivant la date anniversaire du PGE.

Conscient des difficultés de remboursement à intervenir sur cette durée, le ministre de l’Économie et des Finances annonçait, le 19 janvier 2022, la signature d’un accord de place avec la Banque de France et la Fédération bancaire française (FBF), applicable à compter du 15 février 2022 et permettant une modification des conditions de remboursement des PGE, notamment par le recours à la médiation du crédit permettant sous certaines conditions un étalement des paiements jusqu’à 10 ans.

Quelles sont les causes de cette fragilisation des finances des entreprises ?

Après la crise sanitaire, les conséquences économiques de la crise en Ukraine (crise de l’énergie ou de l’approvisionnement, coût des matières premières) ainsi que la tension sur le marché du travail suscitent de fortes tensions sur la trésorerie des entreprises.

Autres facteurs de fragilisation des finances des entreprises, dans une période inflationniste : le remboursement à intervenir des échéances fiscales et sociales repoussées pendant la période de la Covid-19, sans oublier évidemment la forte augmentation des taux d’intérêts qui risque d’empêcher de nombreux refinancements dans les prochains mois.

Quelles sont les entreprises concernées ?

Près de 700.000 entreprises ont souscrit un PGE pour plus de 148 milliards d'euros au total.

En revanche, seulement 11 % d’entre elles sont aujourd’hui acquittées de leur dette.

Les PGE ont essentiellement été octroyés à des très petites entreprises (TPE) ou des petites et moyennes entreprises (PME). Ces deux catégories représentent 99 % du nombre de bénéficiaires et 77 % des montants accordés dans le cadre du dispositif PGE.

Le secteur du tourisme, touché en premier lieu par la crise sanitaire de la Covid-19, puis le BTP et l’automobile, prioritairement affectés par les conséquences du conflit russo-ukrainien guerre en Ukraine, représentent à eux seuls près de 50% des bénéficiaires de PGE.

Certains secteurs sont-ils plus touchés que d’autres ?

On peut d’ores et déjà constater une augmentation sensible des difficultés de remboursement (voire de défaillances) dans la restauration, la construction, le tourisme ou encore le textile.

Que conseiller aux entreprises pour sortir de cette mauvaise passe ? quelles sont les procédures adaptées dans ces situations ?

Outre le recours à la médiation du crédit, dont il convient de constater qu’elle demeure encore peu sollicitée, les procédures préventives (mandat ad hoc et conciliation) permettent dans le cadre d’une restructuration ciblée (dettes financières) ou plus globale (dettes fournisseurs, dettes obligataires, dettes fiscales ou sociales), de manière efficace et confidentielle, d’obtenir une durée de remboursement étendue au-delà de six ans (jusqu’à 10 ans) et cela sans déchéance de la garantie de l’Etat.

Une défaillance massive des entreprises est-elle à prévoir ?

Fin 2021, la Banque de France indiquait que seulement 3.944 entreprises bénéficiaires de PGE auraient fait l’objet d’une procédure collective.

Ce chiffre était alors cohérent avec le nombre global de défaillances qui restait très en retrait par rapport à la période pré-Covid.

Avec 9.826 procédures collectives ouvertes au 2e trimestre 2022, le niveau des défaillances a augmenté de 49 % par rapport au 2eme trimestre 2021, après avoir atteint +35 % au 1er trimestre.

S’ils restent inférieurs à ceux de 2019, année de référence pré-Covid, les niveaux sont au plus haut depuis octobre 2020 et l’écart se resserre, selon les dernières données publiées par Altares.

Les secteurs d’activité B2C (service à la personne, restauration, commerce) sont fortement fragilisés.

Les plus petites entreprises (moins de 3 salariés) sont les plus touchées, en particulier les plus jeunes, qui présentent des taux de liquidation identiques à 2019.

Les courbes actuelles laissent présager environ 37.000 défauts sur 2022, des chiffres inquiétants encore loin du volume de 52.000 procédures enregistrées en 2019 ou encore du pic de la crise financière de 2008 qui dépassaient les 64.000.

Guillaume Clouzard, associé chez Oratio