Les derniers développements de l'arsenal répressif de l'administration fiscale

Décryptages
Outils
TAILLE DU TEXTE

A l’occasion des Rencontres Business du Monde du Droit, s’est tenu un atelier fiscal sur le renforcement de l'arsenal répressif de l'administration fiscale, animé par Eglantine Lioret, avocate associée, et Valérie Farez, legal director, chez Pinsent Masons.

Lors des rencontres Business du 27 mars 2019, Eglantine Lioret, avocate associée, et Valérie Farez, legal director, chez Pinsent Masons, ont présenté un atelier sur le thème : "Entre la 'bonne morale fiscale' et le renforcement de l'arsenal répressif de l'administration, de quelles garanties disposent encore l'entreprise ?".

Elles ont listé les nouvelles armes dont disposent désormais les services fiscaux dans la lutte contre la fraude fiscale et l'évasion.

Des règles internationales

Au niveau international, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a développé 15 actions afin d'équiper les gouvernements d'instruments nationaux et internationaux pour lutter contre l'évasion fiscale en s'assurant que les profits soient taxés à l'endroit même où ceux-ci sont générés et où a lieu la création de valeur. Le projet BEPS (érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices) vise les stratégies de planification fiscale qui exploitent les failles et les différences dans les règles fiscales en vue de faire "disparaître" des bénéfices à des fins fiscales ou de les transférer dans des pays ou territoires où l’entreprise n’exerce guère d’activité réelle.

Au niveau communautaire, la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 met en place des mesures de transparence fiscale, dont l'obligation pour les intermédiaires fiscaux (avocat, conseiller fiscal, comptable…) de déclarer les dispositifs de planification fiscale agressive. Toutefois, sont dispensés de déclaration les intermédiaires qui sont couverts par le secret professionnel en vertu de la législation nationale d’un Etat membre.

Pour lutter contre l'optimisation fiscale des entreprises, l'Union européenne souhaite mettre en place une initiative législative visant à établir une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés dans l'UE. Cette initiative consiste en deux propositions législatives : une proposition de directive concernant une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés (ACIS) et une proposition de directive concernant une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS).

Cela permettrait d'éliminer le Treaty shopping, appelé aussi "chalandage de traités", pratique mise en place par des investisseurs qui recherchent délibérément à bénéficier de la protection plus avantageuse d’un TBI (Traités Bilatéraux d’Investissement) signé entre un Etat dont ils n’ont pas la nationalité et l’Etat hôte dans lequel ils ont investi, afin de trouver une solution fiscale plus avantageuse pour eux.

Grâce à la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal, les Etats membres peuvent prendre les mesures nécessaires pour que la fraude et toutes autres infractions pénales liées portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union par des personnes physiques soient passibles d'une peine maximale d'au moins quatre ans d'emprisonnement lorsqu'elles entraînent un préjudice ou un avantage considérable.

Des règles nationales

Au niveau national, la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière renforce les droits de communication de l'administration fiscale et augmente le délai de prescription du contrôle.

Les intervenantes précisent que des circonstances aggravantes peuvent être ajoutées aux infractions relevées, telles que les faits commis en bande organisée, le recours à des comptes ouverts à l'étranger ou l'interposition de sociétés écrans.

La loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, quant à elle, renforce l'arsenal répressif français ainsi que les moyens de détection et de dissuasion de l'administration fiscale. Ce texte assouplit également le "verrou de Bercy", dispositif qui garantissait la mainmise de l’administration sur le lancement des procédures judiciaires contre les personnes coupables de fraude fiscale. L'administration est désormais tenue de dénoncer au procureur de la République les faits qu'elle a examinés dans le cadre de son pouvoir de contrôle, dans certaines conditions.

La loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 reprend le dispositif anti-abus de l'Union européenne issu de la directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, plus connue sous le nom de Directive ATAD (Anti Tax Avoidance Directive), et met en place un mécanisme de lutte contre les schémas frauduleux d'arbitrage de dividendes ("CumEx").

Les bons réflexes à adopter

Les intervenantes ont conclu leur démonstration en présentant les "bons réflexes" à adopter par le contribuable dès le début de la vérification de comptabilité.
Elles ont rappelé qu'il ne faut pas attendre pour répondre aux courriers de l'administration fiscale et que plus on lui répond rapidement, mieux elle sera disposée à l'égard du contribuable.

Enfin, elles ont souligné que grâce à la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance, le contribuable dispose de deux nouveaux droits.
Le droit à régularisation en cas d'erreur qui permet à une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation de ne pas faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué.
Le droit au contrôle, par lequel toute personne peut demander à faire l'objet d'un contrôle prévu par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

 Stéphane BAERT