La confidentialité de la médiation : Dangereuse et nécessaire

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Thierry GarbyThierry Garby, avocat honoraire, propose un article critique sur la confidentialité en médiation.

La confidentialité est une nécessité en médiation. Les parties doivent s’aventurer hors de leurs positions juridiques. Si leurs propos risquent d’être rapportés au juge, elles n’en feront rien.

L’article 131-14 CPC dispose : "Les constatations du médiateur et les déclarations qu'il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des parties, ni en tout état de cause dans le cadre d'une autre instance."

Cependant la confidentialité est parfois invoquée dans une intention frauduleuse. Selon mon expérience, cela touche environ 5% des cas. Cela ne remet en cause ni la médiation ni la confidentialité mais justifie une réflexion sur le contenu et l’étendue du principe.

Qui est tenu à la confidentialité ?

Selon ce texte, seul le médiateur est tenu.

L’obligation de confidentialité pèse sur les avocats en vertu de leurs règles professionnelles.

Les parties et les autres intervenants doivent aussi être liés et les médiateurs doivent les inviter à s’y engager.

Le non respect de la confidentialité ne sera sanctionné que si on peut la prouver par écrit. Les médiateurs doivent donc inviter toutes les parties, leurs représentants et les autres intervenants à signer un engagement de confidentialité.

Qui est tenu lorsqu’une partie est une organisation (association, entreprise, administration) ?

Souvent ses représentants devront en référer à leurs supérieurs, voire à des organes collégiaux. La confidentialité ne doit pas s’y opposer mais elle ne peut pas être étendue à toute l’organisation. Les représentants de l’organisation doivent pouvoir divulguer ce qu’ils auront entendu à ceux qui en ont besoin pour engager l’organisation.

Comment ces décisionnaires peuvent-ils être eux-mêmes liés ?

Demander au médiateur d’exiger que les décisionnaires participent n’est pas réaliste. C’est impossible lorsque la décision doit être collégiale. Pratiquement, il est rarement possible d’obtenir l’engagement de ces personnes. Mais dans certaines affaires sensibles, la question devra être posée et résolue conventionnellement.

Reste également la question de l’obligation de l’organisation en tant que personne morale.

Une précision législative serait la bienvenue sur ce point mais en son absence les médiateurs doivent veiller à faire prendre les accords appropriés en début de processus.

Confidentialité à l’égard de qui ?

La loi ne prévoit la confidentialité qu’à l’égard des juridictions.

La confidentialité se révèle souvent nécessaire à l’égard de l’entourage. Cette notion d’entourage recouvre des réalités très diverses : la famille, les voisins, les collègues, les organisations professionnelles etc. Pour les célébrités, ce peut-être la presse. A nouveau, ceci doit être convenu.

Qu’est-ce qui est couvert par la confidentialité ?

La loi répond : Les constatations du médiateur et les déclarations qu'il recueille.

"Déclaration" doit s’entendre au sens large et couvrir les propos oraux des parties, des avocats et des autres intervenants ou leurs courriers physiques ou électroniques.

Bien évidemment, les pièces de procédure et les documents susceptibles de le devenir ne sont pas confidentiels. Mais peut-on les rendre confidentiels ? Par exemple, deux associés sont en conflit. Le majoritaire, doit racheter les droits de l’autre. Pour évaluer ses droits, le minoritaire a besoin de documents auxquels il n’a pas accès en tant qu’associé. Le majoritaire rechigne à les communiquer en craignant leur utilisation au contentieux.

Ces documents peuvent devenir confidentiels conventionnellement. Cependant, le minoritaire, pourra ensuite en demander la communication au juge s’ils sont utiles au procès.

Les médiateurs doivent être prudents et se demander si l’information est sollicitée pour aboutir à un accord ou pour obtenir de l’information indue, à d’autres fins contentieuses. S’il a cette crainte, il doit certainement en faire part aux participants.

Où commence et où s’arrête la confidentialité ?

Entre la nomination du médiateur et le début de la médiation se situe une zone de doute.

La non consignation des honoraires ne peut pas être confidentielle : c’est une condition préalable. Idem si une partie n’accepte aucune date de réunion.

Si une partie ne signe pas l’accord de confidentialité proposé par le médiateur, l’autre partie décidera si elle accepte la confidentialité légale. Dans la négative, le juge pourra être informé car la médiation n’aura pas commencé.

Lorsque le médiateur, après avoir entamé la médiation, constate qu’une partie ne propose rien et reste sur sa position contentieuse, cette partie a sans doute accepté la médiation sans souhaiter un accord mais pour gagner du temps ou pour ne pas contrarier le juge. Il s’agit là de fraudes dont le juge doit être informé.

La morale exige que la partie de mauvaise foi soit dénoncée. Juridiquement, ce n’était pas une médiation car une partie ne voulait pas d’accord. La confidentialité n’est donc pas entrée en vigueur. L’adage fraus omnia corrumpit doit priver le fraudeur du bénéfice de la confidentialité.

Conclusion

La confidentialité est indispensable à la médiation. Elle doit donc être protégée et conventionnellement renforcée. Cependant, juges et médiateurs doivent activement s’opposer à son utilisation frauduleuse.

Thierry Garby