Associations : entre souplesse et fragilité

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Grégoire Marchac - Avocat - ForensisAvec le retrait de l'Etat providence et la recherche d'épanouissement personnel, le monde associatif est en plein essor. Plus d'1 million d'associations offrent encore de la souplesse pour réaliser des projets, mais leurs dirigeants ne doivent pas tomber dans certains écueils !

Le monde associatif a connu un formidable essor depuis une période récente et  occupe tout l'espace social pour répondre à des besoins variés tels ceux liés aux soins, au logement, au sport et aux loisirs. Il existe plus d'un million d'associations en France employant environ 900.000 personnes et drainant plus de 25 milliards d'euros de subventions. Très hétérogène, il est composé d'associations de fait, déclarées type Loi de 1901, reconnues d'utilité publique ou  agréées par certains ministères.

La loi du 1er juillet 1901, qui est le texte de référence en matière d'associations, prévoit que l'association poursuit un but non lucratif et que les règles du droit civil lui sont applicables. Si le principe de la liberté contractuelle s'applique aux associations et à leur activité, il n'en reste pas moins que doivent être respectées les règles d'ordre public et les bonnes mœurs.

Par ailleurs, réglementation spécifique régit certaines associations en raison de leur objet particulier, ce qui est le cas des associations d'assistance et de bienfaisance, de défense des consommateurs, cultuelles ou sportives, ou de leur appartenance à certaines catégories comme pour l'association reconnue d'utilité publique.

Les statuts, l'expression d'une certaine liberté contractuelle

La constitution d'une association passe nécessairement par l'élaboration des statuts, lesquels forment le pacte associatif qui détermine l'objet, l'organisation et les règles de fonctionnement. Ils permettent encore l'expression d'une certaine liberté juridique en mettant en place des règles souples et adaptées à un projet.

Toutefois, cette liberté ne doit pas masquer les fragilités d'un tel groupement à but non lucratif qui n'est pas forcément adapté à tous les projets: difficulté à emprunter, absence de distribution de bénéfices, pas de signature d'un bail commercial sont des exemples. Le rédacteur doit d'abord vérifier que l'association est le bon instrument pour réaliser les objectifs des fondateurs!

Une association acquiert la personnalité morale au moyen d'une simple déclaration en préfecture. Elle doit mentionner différents éléments et être accompagnée de certains documents et notamment de deux exemplaires des statuts. Des mesures de publicité dans un journal d'annonces légales sont également prévues afin d'informer les tiers de sa création.

Le rédacteur des statuts devra veiller à bien les adapter au projet associatif des fondateurs. Cette étape apparaît essentielle, l'usage de statuts types inadaptés au projet étant à proscrire. Les règles de fonctionnement de l'association figurent dans les statuts eux-mêmes et parfois dans le règlement intérieur de l'association qui les complète. En cas de silence ou lacune, il conviendra de se référer à la loi de 1901, au Code civil jouant souvent un rôle supplétif et à la jurisprudence.

Les fondateurs devront par conséquent veiller à ce que les statuts soient suffisamment précis et cohérents quant aux modes d'organisation et de fonctionnement de l'association pour éviter blocages et dysfonctionnements. Ils devront opter entre des statuts détaillés qui rendent leur modification plus difficile et des statuts plus succincts. Les règles de fonctionnement peuvent alors être détaillées dans le règlement intérieur, souvent élaboré par le Conseil et approuvé par l'Assemblée générale. Des statuts moins détaillés sont davantage lisibles et contribuent indubitablement à la souplesse nécessaire au bon fonctionnement de toute association, mais on doit éviter qu'ils soient lacunaires sur des points importants, car c'est une source de difficultés.

L'organisation du pouvoir

L'organisation du pouvoir au sein de l'association est généralement répartie entre deux organes, l'Assemblée générale composée de l'ensemble des membres et un organe réduit, le Conseil d'administration dont les membres sont élus par l'Assemblée générale. Un bureau restreint peut aussi être prévu.

L'Assemblée générale se réunit soit en assemblée générale ordinaire soit en assemblée générale extraordinaire, qui délibère sur des questions importantes comme la modification des statuts, le transfert du siège ou la dissolution.

Il est important que les statuts prévoient des règles de quorum ainsi que les règles de majorité, qui devront être plus contraignantes pour les délibérations importantes adoptées en assemblée extraordinaire, afin d'éviter des contestations liées à la tenue des assemblées, pouvant entraîner l'annulation des délibérations.

Pour faciliter la prise de décisions relatives à la gestion courante de l'association, l'Assemblée générale élit souvent des administrateurs qui forment le Conseil d'administration. Les attributions du Conseil sont très étendues car, selon une clause usuelle des statuts, celui-ci est en principe compétent pour tous les domaines qui ne relèvent pas de la compétence exclusive de l'Assemblée générale.

Un bureau qui comprend au minimum un Président, un Secrétaire et un Trésorier pourra être désigné par le Conseil ou par l'Assemblée. Il est préférable de confier cette tâche au Conseil qui pourra ainsi aisément remplacer la personne qui cesse ses fonctions.

Quand la situation dégénère devant les tribunaux

Le contentieux relatif aux associations concerne principalement deux domaines : la recherche et la mise en œuvre de la responsabilité civile ou pénale du président et des dirigeants et le droit d'ester en justice de l'association.

Responsabilité civile et pénale des dirigeants d'une association

Responsabilité civile des dirigeants

Les dirigeants de l'association, en tant que mandataires, peuvent voir leur responsabilité civile engagée. Il peut s'agir des dirigeants de droit, tel son président qui est son représentant légal, ou de fait lorsqu'une personne s'immisce de fait dans la gestion d'une association. Conformément au droit commun, le demandeur à l'action devra apporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, sauf pour dans les cas de responsabilité sans faute par exemple du fait d'une chose comme un équipement sportif.

Concernant la faute, il peut s'agir d'une faute volontaire, de négligence ou d'imprudence commise dans l'exercice des fonctions d'un dirigeant. Un dirigeant peut également être tenu pour personnellement responsable si la faute est détachable de ses fonctions, par exemple en cas de dépenses somptuaire engagée sans rapport avec l'objet de l'association.

Enfin, exceptionnellement, les dirigeants pourront être responsables de certaines dettes. Il peut en être ainsi lorsque l'association est en cessation des paiements et fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

En pratique, les tribunaux sont bien souvent cléments dans l'appréciation de la responsabilité civile des dirigeants d'associations en raison du caractère bénévole de leur action.


Responsabilité pénale des dirigeants

Un dirigeant peut encourir une responsabilité pénale en raison des actes qu'il a commis lorsqu'il a sciemment utilisé des facilités et moyens que lui procuraient ses fonctions.

Plusieurs incriminations peuvent s'appliquer en pratique aux dirigeants d'associations mal intentionnés et notamment l'abus de confiance ou l'escroquerie.

Le dirigeant pourra aussi voir sa responsabilité pénale engagée plus classiquement en tant que chef d'entreprise, par exemple en matière de sécurité des travailleurs. Il pourra être exonéré s'il démontre qu'il n'était pas en mesure d'influencer le comportement de l'auteur de l'infraction ou qu'une délégation de pouvoir a été confiée.

L'action en justice des associations

Le droit d'ester en justice de l'association est subordonné à deux conditions cumulatives: la qualité et l'intérêt à agir.

L'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 octroi la qualité pour agir en justice à toute association régulièrement déclarée.

Il faut indiquer dans les statuts quelle personne physique agit en justice au nom de l'association. En pratique, c'est souvent le président de l'association qui a ce pouvoir.

S'agissant de l'intérêt à agir, il faut distinguer selon l'intérêt en cause : la protection d'intérêts propres à l'association, par exemple l'action en vue de protéger ses intérêts patrimoniaux notamment ses immeubles, la protection de l'intérêt collectif de ses membres  étant précisé qu'il n'est pas nécessaire que les actes incriminés aient porté atteinte à tous les membres de l'association, une simple menace suffit, et l'action dans un but d'intérêt général.

En principe, une association ne peut agir pour défendre un intérêt collectif ou l'intérêt général. Seuls certains textes spéciaux ont accordé à quelques types d'associations le droit d'intenter une action pour la poursuite d'infractions se rapportant à leur objet, alors même qu'aucun de ses membres n'a apporté la preuve d'un préjudice. Il s'agit par exemple des associations pour la protection de la nature ou les associations de défense des intérêts des consommateurs.

Me Grégoire MARCHAC, avocat associé aux barreaux de Paris et de New York,
cabinet Forensis
Administrateur de la Compagnie des Conseils et Experts Financiers (CCEF)